Les uns dénoncent les vieux réflexes coloniaux, les autres une repentance déraisonnable. Hantées par le spectre du colonialisme passé, les relations entre la France et l'ancien "pré carré" africain concentrent les crispations. Le chef de l'Etat entame aujourd'hui un périple en Afrique centrale, marquée par une progression du sentiment anti-français. Il souhaite y poser les jalons d'une "nouvelle relation, équilibrée, réciproque et responsable".
A la veille d'une tournée qui le mènera au Gabon, puis en Angola, au Congo et en République démocratique du Congo, Emmanuel Macron a appelé à "faire preuve d'une profonde humilité" à l'égard de l'Afrique. Il tenait lundi, depuis l'Elysée, un discours consacré à la stratégie française pour le continent. "L'humilité est contrainte", considère Pierre Vermeren, professeur d'histoire contemporaine à la Sorbonne.
"La France est en très grande difficulté au Sahel, où l'opération Barkhane est en train de prendre fin", rappelle-t-il. L'opération militaire avait été lancée en 2014 pour épauler la lutte contre le djihad dans la région. De plus en plus réprouvée sur place, la présence française au Sahel a officiellement pris fin en novembre dernier. "La France a, en quelque sorte, été expulsée de trois pays : la Centrafrique il y a quelques années, le Mali, et puis le Burkina Faso, que les derniers militaires ont quitté", décrypte Pierre Vermeren. Il s'inquiète des ambitions de "la Chine, surtout la Russie" en passe de remplacer la France qu'elles "incriminent", excitant dans la population un fort ressentiment colonial.
A en croire l'historien, ce voyage présidentiel dénote un désir de s'éloigner des foyers de tension. "Il y a un repositionnement sur l'Afrique centrale, qui est une des régions où l'on est encore peu contestés", analyse-t-il. "C'est un repositionnement dans une région plus neutre où les enjeux sont moins durs", dit-il, "parce qu'ailleurs, ça se passe plutôt mal, il faut bien le dire".
"La France n'a plus les moyens de sa politique", constate-t-il, réaliste . "Elle représente 2% des importations en Afrique", quand "la Chine approche les 20%", compare-t-il. Des chiffres symptomatiques de la réorientation diplomatique du continent. Les Africains "savent très bien qu'on est endetté, sont très au courant de nos problèmes", signale le spécialiste du Maghreb.
L'humilité, toujours. "On n'a plus les moyens de notre politique, il faut rester modestes", se résigne Pierre Vermeren avant de livrer une statistique éloquente : "Quand un Français naît, 55 Africains naissent". "On n'a plus les moyens démographiques, financiers de s'occuper de l'Afrique comme ç'a été fait à une certaine époque", insiste-t-il. "Il faut y jouer un rôle, c'est très important, mais il faut laisser les Africains se développer, assumer leur destin", estime-t-il. "On ne réglera pas les problèmes des Africains à leur place".
Dans son discours à l'Elysée, Emmanuel Macron n'a pas évoqué l'immigration, sujet pourtant sensible, voire passionnel, en France. "L'immigration, c'est très important pour nous, marginal pour l'Afrique", explique l'agrégé. "En Afrique, la question migratoire est très, très localisée", à l'exclusion du Maghreb, où elle concerne "presque toutes les familles". "Ce dossier pose problème effectivement, il y a des contentieux, mais plutôt avec les pays d'Afrique de l'Ouest", précise-t-il, citant le "Mali", le "Sénégal", dans une moindre mesure la "Côte d'Ivoire". "Donc quand on va en Afrique centrale, ce n'est franchement pas la question principale", résume Pierre Vermeren.
Le gouvernement s'apprête à défendre un projet de loi immigration, dont les contours ont été dévoilés fin 2022. Le texte vise à faciliter les expulsions d'étrangers en situation irrégulière en même temps que la régularisation des travailleurs sans-papiers dans les secteurs en tension. Présenté début février au Conseil des ministres, il sera examiné par le Sénat fin mars.
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