Crèches, sapin, marchés de Noël : les traditions de Noël sont-elles encore religieuses ? En Alsace, les coutumes populaires sont ancrées, c'est un patrimoine vivant, symbole de l'identité locale. Que disent-elles de l'expression de la foi chrétienne ?
Les marchés de Noël occupent une dizaine de centres-villes alsaciens pendant cinq semaines chaque année. Il s'agit en effet d'un des moteurs économiques phares de l’Alsace chaque hiver. D’ailleurs, si depuis 1990 Strasbourg se targue d’être la “Capitale de Noël”, son marché en est la principale raison. En 2023, il a attiré pas moins de 3,3 millions de visiteurs, plus que le nombre de touristes à Paris l’été dernier pour les Jeux Olympiques et Paralympiques.
Peu connaissent son origine religieuse, malgré son titre de “Christ Kindel Merik” ("marché de l’Enfant Jésus" en alsacien). La capitale alsacienne accueillait au moyen-âge le marché de la Saint-Nicolas début décembre où pendant quelques jours les quincailliers vendaient des petits objets que les parents pouvaient offrir à leurs enfants. Tout change en 1529, lorsque la ville devient protestante et que la fête est jugée “trop papiste”. Le marché est déplacé une semaine avant Noël et change de nom : désormais, ce n’est plus saint Nicolas qui apporte les cadeaux mais le Chris Kindel, l’Enfant Jésus.
Malgré ce passé religieux, la capitale de Noël ne présente aucune représentation de la Nativité sur les places publiques. Il y en avait bien une, à quelques mètres du grand sapin de noël, place Kléber. Installée dans les années 2000, elle a disparu en 2016. La raison invoquée à l'époque par l’ancien adjoint au maire de la ville de Strasbourg, Alain Fontanel : une réorganisation du marché pour installer un poste médical avancé, dispositif permettant la prise en charge de victimes en cas d’incident. Depuis, plus aucune trace de cette crèche dans les rues.
Nous allons nous battre pour garder le sens de Noël.
Une disparition étonnante étant donné “le droit local”, législation en vigueur en Alsace et en Moselle qui les exempte de la séparation de l’Eglise et de l’Etat et devrait favoriser les représentations religieuses dans l’espace public. Isabelle Gerber, présidente de l’Union des Eglises protestantes d’Alsace et de Lorraine le déplore: “ C'est un problème énorme. C’est comme offrir un cadeau vide, Noël sans Noël. C’est la fête de l’Incarnation. Et avec cet effacement ridicule, on veut désincarner Noël. Nous allons nous battre pour garder le sens de Noël.”
Il y a pourtant bien une crèche dans la rue à Strasbourg, dans un endroit inattendu : sur le parvis du magasin Mr. Bricolage en centre-ville. Une démarche tout d’abord commerciale pour le directeur de l’enseigne, Nicolas Issenhuth : “Notre activité nous fait vendre des produits de Noël tout simplement. C’est une fête culturelle mais nous reconnaissons son origine religieuse avec la Nativité. Cela rentre dans la magie de Noël. On a beaucoup de gens qui nous félicitent pour cette crèche car ils la trouvent jolie.”
D’autres initiatives tentent de mettre en avant ces traditions comme dans le petit village de Bergheim dans le Haut-Rhin avec le “chemin des crèches” . Là encore, pas question de foi. Cette initiative organisée par le comité des fêtes de la commune met en scène 80 crèches dans les rues, réalisées par les habitants de ce petit village motivées “envie de faire connaître leur village” d’après leur président, François Muller.
Depuis 2023, une paroisse catholique du centre-ville de Mulhouse réorganise une Saint-Nicolas géante. “Le temps de Noël est devenu assez commercial et nous voulions redonner un sens chrétien à ces préparatifs, explique Don Armand d'Harcourt, vicaire de la paroisse Saint-Etienne, initiateur du projet. Saint Nicolas fait un pont entre la dimension devenue profane de Noël et sa dimension chrétienne. C’est un peu un père Noël chrétien.” Cette année, près de 500 enfants ont participé à l’événement.
A Strasbourg, les paroissiens investissent chaque année les rues pendant le marché pour un temps d’évangélisation avec “Mission Strasbourg”. Les initiatives des communautés chrétiennes émergent peu à peu. La réponse à la quête de sens de Noël vient peut-être de ce côté-là.
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