Les moines de l’Oelenberg ont décidé de quitter définitivement leur abbaye à Reiningue (Haut-Rhin). Cette décision intervient après deux ans de tentatives diverses pour redynamiser les lieux et de deux mois de retraite des trappistes. L' avenir de l’abbaye revient au diocèse de Strasbourg et à l’Ordre des Cisterciens.
Il n'y aura plus de trappistes à l'Oelenberg : après 200 ans de présence, les moines ont décidé de quitter l'abbaye pour rejoindre d'autres communautés en France et en Belgique. Si la décision finale doit encore être confirmée en juin par l'Abbé général de l'Ordre des Cisterciens de la stricte observance, l'annonce intervient après plusieurs mois de réflexion, menée conjointement avec l'archevêché de Strasbourg.
En réalité, la réflexion était amorcée depuis plus longtemps. Dom Samuel Ocso rapporte que le cas de l'Oelenberg avait été présenté dès le dernier chapitre général de l'Ordre, en 2022. Un an plus tôt, les trappistes alsaciens lançaient un grand chantier de modernisation des bâtiments, dont le budget se chiffrait à 5 millions €.
Lorsqu'on l'interroge sur l'état des frères de l'Oelenberg, le mot "épuisement" revient régulièrement au cours de la conversation avec Dom Samuel Ocso, nommé en janvier "commissaire monastique", c'est-à-dire, supérieur de l'abbaye par intérim. Depuis le monastère tchèque de Novy Dvur dont il est l'abbé, il est allé rencontrer les 10 frères vivant à Reiningue, au rythme de visites mensuelles. "Les frères m'ont dit qu'ils étaient épuisés de ces réflexions qui n'arrivaient plus à voir clair."
Sur sa proposition, ces derniers sont partis début mars dans différents monastères cisterciens trappistes pour prier et réfléchir au maintien ou non de leur présence dans l’immense bâtiment millénaire de 25 000 mètres carrés, "très grand, très lourd et pas en bon état". La communauté devait ensuite rendre sa décision après la Pentecôte.
Entre temps, le commissaire monastique s'est rendu au Mont Sainte-Odile pour demander la lumière à la patronne de l'Alsace. "Voir clair, c'est un peu son charisme. Je l'ai donc priée pour nous aider à voir ce que Dieu attend de nous." De retour à l'abbaye, Dom Samuel enchaîne les entretiens individuels. Un même constat émerge alors : "Il est sorti de ces rencontres que les frères avaient été très bien accueillis dans d'autres monastères de notre ordre et qu'ils étaient en fait heureux d'aller renforcer ces communautés. Ils voyaient que ce n'était plus réaliste de vivre ici ensemble à Oelenberg " rapporte le commissaire.
Il s’agit des abbayes de Timadeuc (Morbihan), Acey (Jura), Scourmont (proche de la frontière des Ardennes) et au Mont-des-Cats (les Hauts de France).
A leur arrivée en 1925, l’Oelenberg comptait 200 cisterciens trappistes, dont 80 prêtres et 120 frères convers, lit-on sur le site de l’abbaye. Début 2024, ils ne sont plus que 10, dont 4 frères en formation. Paradoxalement, ce dernier chiffre est élevé, voire "exceptionnel", par rapport aux 150 autres monastères trappistes dans le monde. Une raison insuffisante pour maintenir leur présence à l'Oelenberg selon Dom Samuel qui ne les estime "pas capables de porter les responsabilités actuelles" et souligne "leur besoin d'être formés."
Or, selon l'abbé, "il faut 15 ans pour former un moine, au sein d'une communauté vivante". Traduisez : composée d'un père abbé, un maître des novices, un prieur si possible, et d' un cellerier en charge de l'économie. Autant de fonctions cumulées par le père Dominique-Marie Schoch, l'ancien abbé de 76 ans ayant donné sa démission à l'été 2023 "pour raison d'âge". L'enjeu est de taille, celui de trouver "un certain équilibre et une certaine maturité".
Dom Samuel Ocso est aussi responsable de la région Europe-Israël des trappistes cisterciens. Une position qui lui permet de situer la situation dans un contexte plus général : " l'Europe n'est pas dans sa meilleure période au niveau de la vie chrétienne, analyse-t-il. Les chrétiens sont quand même plutôt âgés. Certes, il y a des jeunes mais ils ne sont pas très très nombreux. Dans de telles conditions, on ne peut pas imaginer que le noviciat des monastères soit plein."
Pour autant, le départ de l'abbaye dans laquelle les moines avaient promis de passer le restant de leur jour pourrait bien constituer un moyen d'accomplir leur vocation : "Ils vont renforcer d'autres communautés. Ils se donnent et ils donnent quelque chose aux communautés qui les reçoit."
Il y a des projets en cours, mais qui sont pour le moment encore confidentiels.
En septembre 2025, le 200e anniversaire de l'arrivée des moines doit donner lieu à des festivités. Cet événement est inclus dans la réflexion globale menée avec le diocèse de Strasbourg et dont le contenu devrait être communiqué ultérieurement. "Il y a des projets en cours, encore confidentiels pour le moment. Avec les frères et le diocèse de Strasbourg, on essaie de réfléchir à un avenir pour le lieu sacré d'Oelenberg qui puisse préparer l’avenir chrétien dans ce diocèse, et qui tienne en même temps compte de la réalité de la vie chrétienne d’aujourd’hui." conclut Dom Samuel Ocso.
Depuis 2 mois, le moulin qui fabrique la célèbre farine d’Oelenberg associé au magasin monastique de l'abbaye, poursuivent leurs activités grâce à l’équipe de salariés sur place. Une messe reste assurée le dimanche à la crypte à 8h30 ainsi qu’un accueil pastoral. En Alsace, reste l'abbaye de Baumgarten qui abrite une douzaine de moniales cisterciennes, désormais seule présence trappiste dans le diocèse.
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