Depuis quelques mois, les Haïtiens se mobilisent contre un projet de réforme de la Constitution et contre la pauvreté.
Depuis quelques mois, les Haïtiens se mobilisent contre un projet de réforme de la Constitution qui doit être validé par référendum le 27 juin prochain. Concrètement : le président souhaite supprimer le Sénat et le poste de Premier Ministre.
Comme aux Etats-Unis, le président serait élu avec un vice-président, le tout lors d’un suffrage à un seul tour. Cela renforcerait considérablement les pouvoirs du président, aux dépens de ceux de l’Assemblée, alors réduite à une seule chambre : un déséquilibre des pouvoirs qui fait peur à la société civile haïtienne. L’opposition à cette réforme est d’autant plus forte qu’elle est conduite par un président que de nombreux Haïtiens considèrent comme illégitime. Élu au premier tour en octobre 2015, mais ayant pris ses fonctions plus d’un an après, en février 2017, Jovenel Moïse estime que son mandat de 5 ans se termine en février 2022 ; l’opposition s’appuie sur des juristes et affirme que son mandat a expiré en février 2021. Depuis cette date, de nombreuses manifestations demandent le retrait du président.
Mais la colère des Haïtiens est plus profonde : un ras-le-bol du coût exorbitant de la vie quotidienne, de la défaillance des services publics, de la corruption des élites. Des fléaux que les gouvernements successifs de Jovenel Moïse ne sont pas parvenus à endiguer, au contraire, qu’ils ont nourri. En plus de la pauvreté, Haïti est en proie à la recrudescence de l’activité meurtrière et ultra-violente de gangs armés. Ils terrorisent la population par des kidnappings contre rançon et des massacres d’opposants, notamment dans les quartiers populaires.
Chaque jour en Haïti, quatre personnes sont victimes d’enlèvements ! Quatre enlèvements par jour. Nous avons du mal à croire à la cruauté de ce chiffre et à l’angoisse qu’il fait peser sur tous, avec la peur d’être victimes ou parents de victimes. Dans ce contexte, il est difficile d’imaginer que les Haïtiens, et plus particulièrement ceux qui habitent des quartiers contrôlés par les gangs, puissent se rendre sereinement aux urnes pour réformer la constitution. Hier les évêques Haïtiens ont appelé le président à renoncer à ce referendum dans le contexte actuel de crise sociale, politique et sanitaire.
De même, les ONG et le Secours Catholique interpellent l’Union Européenne afin qu’elle prenne conscience du drame vécu par les habitants et qu’elle intervienne auprès du président. Alors que l’échéance du référendum approche, nous devons entendre l’appel de la population d’Haïti et de leurs évêques pour éviter que ce référendum et les élections présidentielles qui suivront ne soient qu’un simulacre de démocratie. Ce peuple mérite de choisir sereinement ses dirigeants, des dirigeants qui feront respecter le droit et la justice.
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