À cinq mois de la prochaine Coupe du Monde féminine en Océanie, l'Équipe de France traverse une passe compliquée avec l’éviction de son ex-sélectionneuse Corinne Diacre, éjectée par une fronde de quelques joueuses cadres des Bleues. Sur le plan extra-sportif, le foot féminin français connaît également une période trouble. Entre manque de professionnalisation, de structuration, et déficit d’équilibre économique, le football joué par les filles semble bien loin des strass et paillettes connus par les garçons.
Dans son histoire récente, jamais l'Équipe de France féminine n’a connu une période aussi difficile. Les joueuses cadres de la sélection ont quitté le navire provoquant la chute presque prématurée de Corinne Diacre, désormais ex-sélectionneuse des Bleues. En parallèle, dans les clubs féminins, tout va bien. Sur le plan sportif, l’Olympique Lyonnais et le Paris Saint-Germain continuent de tutoyer les sommets européens. Pourtant, la gronde des acteurs et actrices qui font le football féminin prend de l’ampleur.
La première division française, la D1 Arkema, actuelle plus haut niveau du football féminin français, souffre. Le coup d’arrêt du développement de la discipline chez les filles accentue la contestation chez les joueuses. “En terme de niveau, de structuration, de diffusion, de médiatisation, on observe une perte de vitesse. Il y a très peu de temps, la France était le pays du foot féminin en Europe, aujourd'hui, ce n’est plus le cas”, déplore Mickaël Duché, cofondateur du média spécialisé Footeuses, le média.
Les joueuses de haut niveau reprochent à la Fédération française de football un déficit de reconnaissance et d’investissement, bien loin de ce qui peut se faire chez les hommes. “Il y a un gros travail à faire au niveau qualité des terrains, structure du staff, structure médicale”, ajoute Fabien Safanjon, vice-président de l’UNFP, unique syndicat des joueurs et joueuses professionnels.
Porté par leur dirigeant, certains clubs français, comme l’Olympique Lyonnais, ont pris le pas de la professionnalisation, en investissant massivement dans leur équipe féminine. Les résultats sportifs ne se sont pas fait attendre : l’OL Féminine de Jean-Michel Aulas a été sacré huit fois vainqueur de la Ligue des champions. Personne ne fait mieux en Europe. Cependant, ce qui est vrai pour quatre ou cinq clubs de division 1, ne l’est pas forcément pour le reste du championnat, en déficit de structuration, et de reconnaissance.
Pourtant, tous les ingrédients étaient réunis pour permettre le développement du football féminin sur le territoire. En 2019, la France organisait la Coupe du monde féminine sur son sol. Un coup de projecteur inédit et un succès qui permettait aux filles de rêver plus grand.
Dans son programme Impact et Héritage Coupe du Monde féminine France 2019, la Fédération se targuait d’une hausse de 10 % de licenciées dans les clubs amateurs. Cependant, la marche d’une professionnalisation à grande échelle n’était pas atteinte. “On n’a peut-être pas mis les moyens nécessaires à cette structuration. On n’a peut-être pas assez adapté le programme aux vrais besoins du football pratiqué par les femmes”, admet Delphine Benoit-Mayoux, coordinatrice de Impact et Héritage Coupe du Monde féminine.
“On attendait beaucoup après cette Coupe du monde. On nous disait que le football féminin allait décoller. À l’arrivée, il ne s’est rien passé. Après la Coupe du monde, il ne s’est rien passé”, martèle Thierry Uvenard, entraîneur de l’équipe féminine de Thonon Evian Grand-Genève, qui évolue en deuxième division.
À cinq mois de la prochaine Coupe du monde féminine en Australie et Nouvelle-Zélande, les instances dirigeantes du football prennent conscience du déficit de professionnalisation du football féminin. “Il va falloir accélérer et donner des moyens financiers et humains”, suggère Delphine Benoit Mailloux.
De son côté, l’UNFP porte aussi le sujet à bras-le-corps. Le syndicat organise une tournée de réunions avec les acteurs et actrices du football féminin. Fabien Safanjon, vice-président de l’UNFP participe à ces rencontres. “Il faut construire un modèle économique qui permettra le développement”, conjugué par “une volonté politique de la Fédération et des clubs qui doivent investir massivement”. À quelques mois de la plus grande des compétitions, les chantiers semblent encore immenses pour reconquérir le cœur des Français et des Françaises.
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