Sur la place de la Sorbonne à Paris, les étudiants se questionnent sur la légitimité de leur futur diplôme, parlent de leur précarité mais aussi de ces cours à distance devenus presque invivables. "C'est extrêmement compliqué de rester à la maison, ne pas avoir de prof en face qui explique. Je ne suis plus motivée pour travailler. Des fois j'ai limite envie de sauter par la fenêtre, j'en peux plus. J'ai jamais lâché mais il y a des moments où je me sens délaissée", confie Katarzyna, étudiante en première année de lettres modernes dans l’université parisienne, une année passée presque entièrement derrière son écran d’ordinateur. Elle déplore le manque de dialogue avec son administration, et des mails envoyés restés sans réponse.
À Lyon, deux étudiants ont tenté de se suicider il y a quelques jours. L’un des deux a son pronostic vital toujours engagé. L'Université Jean Moulin Lyon 3 dans laquelle il étudie a ouvert une cellule d’aide psychologique. L’onde de choc est immense dans les universités. "C'est très inquiétant parce ces tentatives de suicides ont été médiatisées mais il y en a peut-être plus. Voir que des étudiants veulent s'ôter la vie parce qu'ils sont étudiants dans cette période-là, c'est très grave. Macron parle des télésièges au ski mais nous les étudiants, il y en a qui se suicident ou qui pleurent tous les soirs", alerte Bridget Ndungu, étudiante et présidente du syndicat étudiant UNEF à Sorbonne université.
Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, s’est finalement exprimée lors d’un déplacement à Cergy (Île-de-France). Elle a déclaré que "les suicides chez les jeunes malheureusement il y en a tout le temps, tous les ans (...) c'est toujours multifactoriel".
Si le malaise était déjà bien ancré, la période d'examen en cours a aggravé la situation. Les étudiants sont appelés à passer leurs examens en présentiel alors que tous leurs cours se font à distance depuis des mois, ce qui suscite l’incompréhension. Cela fait donc quelques jours que les étudiants de la Sorbonne bloquent les différents campus de l’université pour demander un protocole strict face au Covid-19, alors que certains dénoncent des amphithéâtres étriqués, parfois sans fenêtre.
Mais il y a aussi une importante précarité qui explique ce mal-être, avec de nombreux étudiants qui ont perdu leur job. "J'ai à peine 18 ans et je me retrouve face à une vie d'adulte que je dois entièrement gérer. Je me suis rendue à une distribution d'aide alimentaire gratuite. Il y avait énormément de monde donc je suis rentrée. On s'organise, c'est un peu compliqué", témoigne Isadora, étudiante en première année d'histoire-géographie à la Sorbonne.
Face à ce mal-être, les présidents d'université tentent de réagir. À l’Université Clermont-Auvergne, son président a vu une augmentation des demandes de consultations pour aide psychologique. Mathias Bernard a donc renforcé ses effectifs de psychologues. "On a eu un envol des demandes de consultations de notre bureau d'accompagnement psychologique. On a été submergé. J'ai recruté des vacations supplémentaires pour des psychologues", explique-t-il.
Certains étudiants se sentent malgré tout oubliés et ne veulent pas qu’on sous-estime leur souffrance. Du côté de l’exécutif, on assure travailler sur la question. "Ça fait plus de 10 mois qu'on demande des efforts aux jeunes et le soutien psyhcologique existe. Mais nous le renforçons. Ce qu'il s'est passé à Lyon est un drame. Nous avons conscience de la situation et nous sommes en train d'y apporter des réponses renforcées", affirme Sarah El-Haïry, la secrétaire d’État à la Jeunesse et à l'Engagement.
À partir du 25 janvier, les étudiants en première année pourront revenir en présentiel par demi-groupe pour leurs travaux dirigés.
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