Cette ouvrière agricole pakistanaise a été condamnée à mort, détenue, humiliée, pendant neuf ans dans son pays, pour avoir bu de l’eau d’un puit utilisé par des musulmans. Un geste considéré au Pakistan comme un blasphème contre l’islam. Grâce à une mobilisation internationale, elle a finalement été libérée de prison en octobre 2018. Asia Bibi a ainsi pu quitter le Pakistan. Elle vit désormais au Canada.
"Enfin Libre !", c’est l’histoire de ce calvaire emblématique de la persécution des chrétiens dans le monde. Un livre co-écrit par Asia Bibi elle-même, et la journaliste française Anne-Isabelle Tollet, qui s’est battue pendant des années pour sa libération. Elle revient sur cette histoire incroyable, au micro d’Etienne Pépin, sur RCF.
"Asia Bibi va bien. Elle est à la fois en forme physiquement et moralement. Elle savoure chaque instant de vie libre. C’est encore tout récent. Elle se réjouit chaque jour de sa nouvelle vie dans un pays qui n’est pas certes le Pakistan, mais libre, et auprès de sa famille. […] Elle vit au Canada, très discrète. C’est la vie d’une femme au foyer, elle s’occupe de ses enfants, et elle est très connectée au quotidien avec sa famille restée au Pakistan. C’est une vie simple, évidemment différente, mais qui lui convient" explique la journaliste.
Le livre qu’elle a co-écrit avec la jeune Pakistanaise est un ouvrage, selon Anne-Isabelle Tollet, destiné à "remercier toutes les personnes qui l’ont soutenu à travers le monde. Pour raconter ses dix ans de calvaire, les coulisses et tous les rouages. Moi qui essayais d’alerter la communauté internationale, je comprends à travers le livre que je ne le faisais pas tout le temps, pas à n’importe quel moment, pas avec n’importe qui, parce qu’il y avait des enjeux diplomatiques et géopolitiques énormes, avec une tension énorme des fanatiques religieux. On apprend tout cela. On apprend aussi son quotidien ces dernières années, celui de sa famille, comment elle vivait…"
La journaliste précise que ce livre n’est pas un plaidoyer pour la liberté religieuse dans le monde, "mais un plaidoyer contre tous les fanatismes. Il s’agit de montrer à quel point le fanatisme religieux peut rendre fou les gens, qu’ils ne se rendent plus compte qu’il s’agit parfois d’un être humain. C’est une manière de montrer que toutes les religions ont leur fanatisme. Ce qu’on a appris à travers ces dix années, c’est qu’il y avait aussi énormément de récupération de la part des chrétiens à travers le monde, qui au risque de mettre en péril la vie d’Asia Bibi, communiquaient à des moments inopportuns, annonçaient les dates de procès sur les réseaux. Cela nous a fait perdre beaucoup de temps. La religion dans son ensemble fait beaucoup plus de mal que de bien dans les pays où il est question de liberté religieuse".
La foi, c’est aussi ce qui a permis à Asia Bibi de tenir bon en prison. "Elle priait tous les jours dans sa cellule, elle avait confiance en Dieu, et elle savait qu’il la sortirait de là" lance Anne-Isabelle Tollet. "Il y a aussi un autre aspect, c’est aussi la reconnaissance de la communauté internationale, qui s’émouvait de son sort, et la soutenait. Pour ces deux raisons-là, elle a tenu jusqu’au bout. Si elle n’y croyait plus, elle risquait de tomber malade, de ne plus se battre. Pour rester en vie dans les geôles pakistanaises, il fallait se battre" ajoute-t-elle.
La journaliste revient enfin sur la loi du blasphème, utilisée d’après elle comme une arme au Pakistan. "Il suffit d’accuser une personne de blasphème pour se débarrasser d’elle. Vous imaginez bien que dans les conflits de voisinage, ou des rivalités d’achats de terrain, tout le monde utilise à mauvais escient cette loi qui permet de condamner à mort quelqu’un qui ne serait pas suspecté d’avoir commis un blasphème" conclut-elle.
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