A moins d’un an de la présidentielle de 2022, Eric Zemmour domine la rentrée politique dans les médias. Mais le polémiste peut-il être un candidat sérieux à l’Elysée ?
C’est un peu le feuilleton politique de cette rentrée : à moins d’un an de la prochaine élection présidentielle, Marine Le Pen va-t-elle pouvoir tenir face à Eric Zemmour ? Ces dernières semaines, la candidate du Rassemblement national est déstabilisée par la médiatisation du polémiste, qui la défie sur son terrain favori : l’immigration et la sécurité.
Avec, par exemple, sa théorie du "grand remplacement" d’une population blanche et chrétienne par une population immigrée musulmane en France, Eric Zemmour séduit certains électeurs de droite ou d’extrême-droite. "Je crois qu’on doit pouvoir vivre en sécurité dans notre pays, que la justice doit être dure avec les délinquants et qu’il est urgent de réguler l’immigration", affirme Antoine Diers, porte-parole de l’association des Amis d’Eric Zemmour, et pourtant membre du parti de droite Les Républicains. "Sur ces trois sujets, Eric Zemmour porte une analyse lucide. Tandis que Marine Le Pen gère un héritage, elle est candidate en vivant sur une forme de rente électorale."
Du côté du Rassemblement national, on joue effectivement la carte de la stabilité : "Certaines candidatures sont anecdotiques", répond Laurent Jacobelli, porte-parole du RN. "La candidature de Marine Le Pen, c’est pour qu’elle devienne présidente de la République. Avec Eric Zemmour ou Nicolas Dupont-Aignan, il y a des différences, mais nous avons un objectif commun : remplacer le système Macron. Or, plus il y a de candidats, plus il y a de dispersion des voix. Mais à l’arrivée, il y aura une forme de vote utile vers la candidature la plus crédible et la plus à même de gagner".
Alors, Marine Le Pen et Eric Zemmour, même combat ? Sur le fond, le politologue Jean-Yves Camus relève au moins une différence entre les deux : "La première n’a pas une vision aussi apocalyptique de la France", souligne le codirecteur de l’Observatoire des radicalités politiques. "Eric Zemmour porte un regard très sombre sur notre pays."
Sur la forme aussi, Cécile Alduy observe une différence de stratégie. "Marine Le Pen a adoucit son discours", indique la professeure de littérature à l’université de Stanford, aux Etats-Unis, et chercheuse associée au Centre de recherches politiques de Sciences Po. "Eric Zemmour, lui, existe par l’accumulation de polémiques." Certaines d’entre elles lui causent d’ailleurs parfois quelques problèmes judiciaires, puisqu’il a été condamné à plusieurs reprises pour provocation à la haine.
Sa prédominance dans le débat public est donc, en tout cas, liée à sa relation avec les médias. Il travaille depuis longtemps pour Le Figaro, dont il vient de se mettre en retrait pour faire la promotion de son livre. On l’a aussi souvent vu à la télévision, dans des émissions comme "On n’est pas couché" sur France 2 et, plus récemment, "Face à l’info", sur CNews.
Une émission quotidienne qu’il vient de quitter, après la décision du CSA : le Conseil supérieur de l’audiovisuel a demandé aux médias de décompter le temps de parole d’Eric Zemmour, estimant qu’il était désormais un "acteur du débat politique national". Malgré tout, sa médiatisation persiste : "La fascination qu’exerce Eric Zemmour est liée à son talent de polémiste", note d’abord le politologue Jean-Yves Camus.
Et puis au fait qu’il joue un personnage assez familier à l’histoire des droites françaises : l’imprécateur. Celui qui, avant les autres, contre les autres, affirme ce que personne n’ose dire. A cela, on peut ajouter un côté "homme providentiel, venu de l’extérieur des partis politiques, candidat de la société civile".
De quoi faire planer l’ombre d’Eric Zemmour sur toute la campagne présidentielle. "Il y a une immense responsabilité des médias, qui doivent se demander si quelqu’un qui plafonne à quelques pourcents d’intentions de vote dans les sondages doit être dans l’actualité matin, midi et soir", prévient Cécile Alduy. "L’autre problème, c’est le positionnement des candidats de la droite : pour absorber Eric Zemmour, ils veulent absorber son discours, et c’est là qu’il peut avoir une influence sur l’agenda médiatique, et sur ce dont on va parler."
Reste à savoir si le polémiste va réellement s’engager dans la course à l’Elysée, ou non. En cas de candidature, il devra supporter le poids d’une campagne électorale, même si elle ne devrait pas "coûter très cher", d’après Jean-Yves Camus. "Ce sera plutôt une campagne sur les réseaux sociaux, et misant sur l’effet de surprise, sur la volonté des Français de voir émerger quelqu’un d’autre", anticipe le politologue. Pour l’instant, depuis son retrait de CNews, Eric Zemmour vient de lancer sa chaîne Youtube. Il dit aussi vouloir aller "à la rencontre des Français", dans le cadre de la promotion de son nouveau livre, La France n’a pas dit son dernier mot, publié ce jeudi 16 septembre.
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