Les Européens ont réussi – une nouvelle fois – à nous livrer un psychodrame dont ils ont le secret. Alors un accord a été trouvé, certes. Comme d’habitude, les Européens ne sont pas allés à la fracture. Et, cet accord est même plutôt ambitieux. Mais, comment ne pas être sceptique face à cette dynamique de négociations faites de déchirements entre dirigeants européens qui offrent ainsi, parait-il, des gages à leurs opinions publiques ? A chaque crise, semble-t-il, sa caricature. En 2010, il s’agissait des Etats fainéants et dispendieux du Club Med. Aujourd’hui, ce seront les radins cupides de l’Europe frugale. Caricature contre caricature, les haines ne peuvent que prospérer et l’idéal européen se désagréger. En faisant l’économie d’une pédagogie sur les enjeux communs et en campant sur la défense des intérêts nationaux au sens étroit du terme, les responsables politiques infantilisent leurs opinions publiques et créent les conditions d’impasses politiques. Le cas des coronabonds est à, ce titre, édifiant. Que dira le ministre hollandais des finances à son opinion publique si ceux-ci viennent à être créés après qu’il les a pourfendus si fortement ? Au contraire, que dira à son opinion publique son homologue italien qui a fait des coronabonds le symbole de la solidarité européenne s’ils ne sont finalement pas créés ?
Justement, il n'y aura pas de coronabonds finalement dans l’ensemble de mesures de soutien à l’économie. Et, il n’en n’a jamais été réellement question au cours de ces négociations. Pourtant, la question est dans toutes les têtes et elle reviendra vite mais au niveau des chefs d’Etats et de gouvernement – ce qui fait sens, vu l’implication politique cruciale d’un endettement commun. Et, il se pourrait bien que le vent soit en train de tourner sur cette question. Alors que l’Allemagne était, jusqu’à présent, très opposée à toute mutualisation de dettes, celle-ci soutiendrait finalement la proposition française d’un fonds de relance financé par des coronabonds strictement limités dans le temps. En attendant, l’Eurogroupe a tout de même mis sur la table plus de 500 milliards d’euros pour faire face aux effets de la crise sanitaire et de l’arrêt de l’économie.
Pour être tout à fait honnête je ne suis pas certain de pouvoir vous répondre sur l’ampleur de ces mesures qui visent à soutenir l’économie européenne pendant son arrêt. En revanche, les discussions sur le plan de relance de l’économie – qui devra être lancé à l’issue de la crise sanitaire – ont été repoussées. C’est l’enjeu du fond de relance que j’évoquais à l’instant. Sans cette dimension, il est clair que le plan voté hier ne sera pas suffisant car pas à la hauteur de l’enjeu. C’est la croissance de demain qu’il faut désormais construire, une croissance prenant en compte les enjeux environnementaux et sociaux. Et, pour cela, l’Europe devra investir. Beaucoup. Et, à bon escient.
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