L’Evangile de Matthieu nous présente ici avec un double récit de la part de Jésus. Il s’agit d’un père qui sollicite l’aide, d’abord auprès d’un de ses fils, puis auprès de l’autre. Les réponses des deux fils en question s’opposent. D’un côté, un « non » initial qui finit par se transformer en engagement positif ; de l’autre, un « oui » immédiat qui au final ne se concrétise pas. Et pour les croyants, le risque de se retrouver dans ce deuxième cas de figure est particulièrement aigu. Pourquoi ? Parce que la foi chrétienne s’exprime par des mots. « Au commencement était la parole » nous dit l’Evangile de Jean ; l’épître aux Romains souligne l’importance de « confesser de sa bouche » ; l’apôtre Pierre, lui, nous invite à être « toujours prêts à donner des explications de l’espérance qui est en nous ». La parole joue un rôle important dans le christianisme. Notre foi se vit, mais elle s’articule aussi. Et c’est là qu’il y a un danger. Nous pouvons facilement nous leurrer en imaginant que le fait de dire une chose vaut sa réalisation. Emportés par notre propre discours interne, nous pouvons manquer l’étape du passage à l’action, sans même nous en apercevoir. Ainsi, nous nous retrouvons dans la peau du deuxième fils, dont le « oui Seigneur » ne s’est pas traduit dans les faits. Le cas du premier fils semble être une image miroir du deuxième, mais en réalité la symétrie n’est pas parfaite, et la différence est essentielle. En effet, il y a une étape chez le premier qui n’est pas présente chez le deuxième, étape qui se traduit dans notre texte par les mots « s’étant repenti ». Le « non » prononcé par le premier fils est bien sûr regrettable, mais contrairement au « oui » un peu trop facile du deuxième, ce refus a l’intérêt de piquer sa conscience. Cela provoque à une remise en question de sa part ; le fils se rend compte qu’il a mal fait de refuser ; et c’est suite à cette prise de conscience qu’il passe à l’action. C’est là le vrai sens de la repentance, et c’est là où Jésus met l’accent dans son explication. Si le Christ annonce que des publicains – des collaborateurs du régime de l’occupant – et les prostituées, des « gens de mauvaise vie » vont précéder les « honnêtes gens » dans le Royaume de Dieu, ce n’est pas pour cautionner leurs choix de vie, mais parce que leur trajectoire peut justement engendrer une remise en question – démarche que celui ou celle qui pense toujours bien faire, bercé par ses propres platitudes, ne fera peut-être jamais. Or la remise en question, c’est la différence essentielle dans ce récit : celle qui permet de passer à l’action, d’opérer une repentance salvatrice.
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