Le bras de fer continue entre la Chine et les Etats-Unis. Le géant américain Microsoft a annoncé, dimanche 2 août, son intention de racheter les parts américaines de TikTok, application du groupe chinois ByteDance. Ce réseau social, particulièrement utilisé par la jeune génération, voit son influence grandir, à tel point qu'il est devenu un véritable enjeux géopolitique. Car pour Fabrice Epelboin, enseignant à Science Po et spécialiste des réseaux sociaux, "la véritable spécificité de TikTok, c’est d’être une application chinoise et non américaine, contrairement aux autres réseaux sociaux".
Lundi 3 août, Donald Trump s’est dit favorable au rachat de Tiktok par Microsoft, à plusieurs conditions : qu'une partie de la transaction soit versée dans les caisses de l'Etat et qu’un accord soit trouvé sous 45 jours. Si ce n’est pas le cas, l’application sera totalement interdite sur le territoire américain. Officiellement, la Maison-Blanche accuse le réseau social d’être un moyen d’espionnage pour la Chine.
Selon Fabrice Epelboin, après le scandale de Cambridge Analytica ou l’affaire Snowden, "il est évident que TikTok soit utilisé à des fins d’espionnage". Mais, d'après le spécialiste, "il ne s'agit pas d'un espionnage qui consiste à regarder précisément ce que les personnes font : c'est un espionnage qui consiste à comparer les traces que vous laissez sur les réseaux sociaux à des modèles mathématiques, pour extrapoler les informations comme l'orientation politique ou sexuelle". Tous les réseaux sociaux pratiquent donc une forme d'espionnage, selon Fabrice Epelboin, qui observe ainsi "une forme d’hypocrisie mais aussi un aveu de compétences" de la part des Etats-Unis. "Parce qu'ils sont les mieux placés pour juger de la dangerosité d'un tel système".
L’enjeu pour les Etats-Unis est donc, finalement, "de conserver l’hégémonie américaine sur l’ensemble de l’Occident et au-delà". Car, d'après Fabrice Epelboin, l’affaire Campridge Analytica a démontré la puissance des réseaux sociaux dans les processus démocratiques. Pour l’enseignant à Science Po, "les réseaux sociaux représentent le renouveau d’un système politique qui consistait à instrumentaliser les médias de masse". Une étude du Pew Reaserch Center de 2018 a démontré que 68% des adultes américains s’informaient via les réseaux sociaux. Aujourd’hui, "les Etats-Unis ont une longueur d’avance sur cette vision de la nouvelle propagande", soutient Fabrice Epelboin.
Alors que l’ampleur des géants du numérique ne cesse de croître, l’absence des autres puissances, notamment de l’Europe, est particulièrement criante. Fabrice Epelboin dénonce "un illettrisme numérique de la part des dirigeants européens" et rappelle qu'il est "impossible de trouver des solutions à un problème dont on ignore tout".
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