En moyenne, un tiers des actes racistes commis en France sont dirigés contre une personne de confession juive alors que les juifs représentent moins de 1% de la population française. Les actes antisémites ont progressés de 74% en 2018 après avoir reculé en 2017 et 2016. 541 actes ont été recensés en 2018 contre 311 l’année précédente. Et la tendance pour ce début année 2019 est sur la même lancée.
Des tags contre un restaurant de baggels à Paris. Des croix gammées peintes sur des portraits de Simone Veil mais aussi des quenelles en marge des manifestations des Gilets jaunes. Des insultes et des menaces de plus en plus fréquentes sur les réseaux sociaux. Dernier acte en date, le philosophe Alain Finkielkraut pris à parti à Paris par des manifestants portant pour certains un gilet jaune.
Depuis trois mois on constate des dérapages clairement antisémites à la marge de ce mouvement. Pour autant, pour de nombreux historiens et spécialistes de l’antisémitisme, les Gilets jaunes ne sont pas fondamentalement antisémites. Mais le mouvement servirait de révélateur à des préjugés toujours bien ancrés dans la société française. C'est du moins l'avis de Pierre Birnbaum, historien à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne.
La multiplication de ces actes antisémites n’est pas nouvelle. Ils avaient fortement augmenté dans les années 2000, depuis la seconde Intifada palestinienne avec la mise en lumière d’un antisémitisme dans les banlieues. Mais aussi avec des drames comme l’assassinat d’Ilan Halimi en 2006, puis l’attentat de l’école Ozar Hatorah en 2012 à Toulouse, ou encore celui de l’Hyper Cacher en janvier 2015. L'année 2015 est d'ailleurs une année record avec 808 plaintes recensées. Toutefois, selon les associations antiracistes, toutes les victimes ne portent pas plainte et ces chiffres dissimulent un antisémitisme du quotidien. Nissim Sultan est rabbin à Grenoble. Il s’inquiète particulièrement d’une banalisation du fait antisémite.
Côté chrétien, le soutien est venu lundi dernier de la Conférence des Evêques de France dans un communiqué. Mais plusieurs personnalités avaient pris les devants à titre individuel comme Mgr Laurent Percerou, évêque de Moulins, qui a écrit une lettre d’amitié à la communauté juive. De son coté, l’AJCF (Amitié judéo chrétienne) qui fédère une quarantaine de groupes locaux d’échange interreligieux en France a, dès mercredi dernier, "redit avec force aux juifs de France son entière solidarité, son égale préoccupation". Pour Jacqueline Cuche, présidente de AJCF, si beaucoup de choses ont été faites dans l’échange interreligieux depuis plusieurs années. Elle constate toujours la persistance de préjugés religieux chez certains chrétiens. L’AJCF appelle également "ses membres à alerter leur entourage, pour que surgissent des résistances face à l’antisémitisme".
L’an dernier, le gouvernement avait lancé un plan d’action contre, le racisme, l’homophobie et l’antisémitisme. Mais pour Mario Stasi, président de la LICRA, la France doit maintenant adapter sa législation face à aux nouvelles formes de racisme et d’antisémitisme en particulier sur les réseaux sociaux.
Plusieurs députés proposent de légiférer pour pénaliser l’antisionisme au même titre que l’antisémitisme. Arguant du fait que l’antisionisme est souvent utilisé comme paravent par un antisémitisme d’extrême gauche notamment. Une idée qui ne fait pas l’unanimité dans la classe politique, ni parmi les associations anti-racistes ni même dans la communauté juive.
Mais au-delà des questions législatives, c’est une lutte individuelle de chacun, au quotidien contre les préjugés racistes et antisémites, comme le suggérait il y a un an Alain Chouraqui, fondateur du Mémorial du Camp des Milles. A noter que mardi soir, le Premier ministre, Edouard Philippe participera au rassemblement parisien. Le chef de l’Etat a prévu de s’exprimer mercredi soir à l’occasion du diner annuel du CRIF. Il se rendra également au Mémorial de la Shoah.
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