Enfances dans le monde, un festival de films documentaires consacré à l’enfance
En partenariat avec BICE
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Retour sur une étude indépendante publiée au début du mois sur les scandales de l’adoption internationale. Pendant un an, deux historiens de l’université d’Angers se sont penchés sur des milliers de documents liés à l’adoption internationale en France. Et on peut dire que les conclusions sont accablantes.
Même si, en tant qu’historien, les chercheurs n’aiment pas se placer en justiciers, les travaux des deux auteurs Yves Denéchère et Fabio Macedo qui se sont basés sur plusieurs milliers de documents d’archives diplomatiques, ressemblent véritablement à une enquête. On y trouve des preuves de falsification d’état civil, de documents manquants, de pressions sur la mère biologique, et même des preuves d’achats d’enfant.
Des pratiques qui, d’après Yves Denéchère, ont concerné toutes les époques et quasiment tous les pays depuis 1945. Depuis 1945, en effet, les historiens estiment à 120.000 le nombre d’adoptions internationales, légales et illégales confondues. Avec bien sûr des périodes plus ou moins propices aux adoptions, et donc aux dérives. L’enquête évoque notamment les pays en guerre comme la Corée du Sud, le Vietnam ou le Liban dans les années 60, les pays en voie de développement, comme l’Amérique latine dans les années 70, et l’Afrique à partir de 1990.
Si les pratiques étaient presque toujours motivées par "l’appât du gain”, elles ont également pu être accentuées par l’augmentation de la demande dans les pays occidentaux, comme l’explique Yves Denéchère. C'est d’ailleurs une critique qui a beaucoup été faite aux familles adoptantes, cette idée qu’en voulant trouver un enfant à tout prix, certains parents auraient encouragé et permis la mise en place de filières illégales. C’est une remarque qu’on a pu faire à Véronique Piaser-Moyen, maman d’une fille adoptée au Sri Lanka dans les années 80. Elle a découvert 30 ans plus tard que sa fille Titania avait en réalité été kidnappée et volée à ses parents biologiques.
À son époque, lorsqu’elle a entamé la procédure d’adoption avec son mari, les OAA (organismes autorisés pour l'adoption) n’existaient pas. Habilités par le ministère des Affaires étrangères, ils servent d’intermédiaires. Pour autant, et c’est important, Véronique Piaser-Moyen raconte à quel point le processus était extrêmement encadré. Lorsqu’elle a découvert la vérité, en 2018, elle est retournée sur place, avec son
mari et sa fille. C’est là qu’elle appris l’existence d’un véritable business qui aurait concerné plus de 1.500 bébés. Pour elle, aujourd’hui c’est clair, la responsabilité n’est pas du côté des parents !
Aujourd’hui, Véronique Piaser-Moyen n’est plus seule à mener ce combat. De nombreuses familles ont découvert la vérité à leur tour. Certaines ont porté plainte, d’autres ont alerté le gouvernement. En novembre 2022, une mission d'inspection interministérielle a été lancée pour étudier les pratiques illicites de l’adoption internationale. Les conclusions seront rendues au mois de mai.
Une première petite victoire pour Véronique Piaser-Moyen, comme pour Marie Marre, fondatrice du collectif des enfants adoptés du Mali. Elle, a vécu presque la même histoire, mais de "l’autre coté". Adoptée au Mali en 1989, elle découvre des années plus tard qu’elle a été arrachée illégalement à sa mère biologique par l’association Rayon de soleil, l’un des principaux organismes français à l’origine de l’adoption de plus de 7.000 enfants dans le monde. Après des années de combat, l’organisme s’est vu retirer, au début du mois de février, son agrément par le ministère des Affaires étrangères.
Aujourd’hui Marie, comme Véronique, espèrent que la mission interministérielle débouchera sur une enquête et peut être même sur des réparations. Ces derniers jours en tout cas les choses continuent de bouger puisque cette semaine, l’Organisme Kasih Bunda France, l’une des principales associations d’adoptions au Sri Lanka a annoncé la suspension de ses activités.
À noter enfin que depuis vingt ans, le nombre d’enfants adoptés à l’étranger a quasiment été divisé par dix. En cause les différents scandales liés au trafic d’enfants mais aussi l’introduction de la convention de La Haye, qui exige des États signataires qu’un enfant puisse être adopté si et seulement si toutes les possibilités de prise en charge ont été épuisées dans son pays d’origine.
Pour aller plus loin
- "Ma fille, je ne savais pas…" (éd. City, 2022), de Véronique Piaser-Moyen
- "À deux maux" (éd. Atramenta, 2023), de Véronique Piaser-Moyen et Champika Macherel
- Le collectif des enfants adoptés du Mali
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