Pour la première fois, le Vatican autorise la bénédiction des « couples » homosexuels. La déclaration Fiducia Supplicans a provoqué un séisme au sein de l’Eglise catholique. Mais a-t-elle été bien comprise ? Réactions et analyse en Anjou.
Quelle ne fut pas la surprise du monde catholique lorsque la déclaration Fiducia Supplicans fut promulguée le 18 décembre dernier par le dicastère pour la Doctrine de la foi. Pour la première fois, le Vatican autorise la bénédiction –non liturgique- des couples en situation irrégulière, c’est-à-dire divorcés-remariés et homosexuels.
Pour les membres de l’antenne angevine de l’association LGBT chrétienne David et Jonathan, ce fut une « belle surprise » car pour la première fois, « l’Eglise universelle propose un autre regard, bienveillant, sur notre vécu. Bénir, plutôt que bannir » confient-ils. Une parole d’ouverture également perçue par la théologienne, Marie-Dominique Trébuchet, professeur honoraire à l’Institut catholique de Paris et enseignante au séminaire interdiocésain de Nantes. « C’est une parole de proximité. C’est la parole d’un pasteur à deux personnes qui demandent l’aide de Dieu et dans cette demande, il y déjà une action de la grâce. Ce texte n’avalise pas l’union homosexuelle ! Il n’encourage pas les personnes dans cette voie ! Il dit qu’il faut pouvoir reconnaitre qu’au milieu de situations où il y a du péché, il y a aussi du bien. Et c’est ce bien-là qui est l’objet de la bénédiction. Parce qu’il est un bien en désir et en devenir. Ce texte témoigne donc de la grandeur de la miséricorde de Dieu, de la grandeur de la grâce de Dieu, qui va bien au-delà de nos exigences morales » analyse la théologienne.
Une bénédiction qui ne vaut donc pas pour avalisation de l’union homosexuelle, contrairement à ce que beaucoup ont pu penser, mais qui demeure un moyen d’accompagnement sur un chemin de conversion. « La bénédiction est donnée par Dieu. Elle n’est pas interdite par Dieu et l’Eglise. Pourquoi ? Parce que chacun a besoin de se sentir et de se savoir accueilli par Dieu, précisément pour lui remettre ses imperfections, son incomplétude, et son désir de progresser et d’aller vers la sainteté. Et cela peut aller jusqu’à revoir cette union pour un couple homosexuel ! Ce n’est vraiment pas du tout une bénédiction donnée pour une reconnaissance de ce qui est vécu, mais pour au contraire une disposition à la grâce de Dieu et à la force de l’Esprit Saint pour vivre plus fidèlement ce que demande l’Evangile et l’enseignement de l’Eglise » explique Mgr Emmanuel Delmas, évêque d'Angers.
Tout d’abord vécu comme un geste d’ouverture, cette déclaration Fiducia Supplicans laisse un goût d’inachevé pour les membres de l‘association David et Jonathan. Car s’ils saluent « la bénédiction d'un état de fait, celui-ci demeure encore qualifié dans ce texte de péché ». S’ils perçoivent l’avancée pastorale, ils ne perçoivent pas « le saut doctrinal » qu’ils attendaient.
Un texte tout d’abord mal interprété car ambigu
Les conférences épiscopales d’Afrique, plus conservatrices, ont rejeté le texte tandis que les belges et les allemandes, connues pour leur progressisme, ont applaudi des deux mains. En France, le texte a été accueilli plus timidement car s’il confirme l’enseignement de l’Église sur le mariage et invite à la charité pastorale vis-à-vis des personnes en situation irrégulière, il n’en présente pas moins des « ambiguïtés », notamment sur la vision anthropologique du couple que certains évêques ne semblent pas partager avec celle exprimée dans la déclaration. C’est pourquoi, dans la foulée de la déclaration de Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, les évêques de la province ecclésiastique de Rennes, à laquelle appartient le diocèse d’Angers, ont publié une lettre conjointe, le 4 janvier dernier, pour tenter de clarifier les incompréhensions légitimes. « Ce qui surprend beaucoup de lecteurs, c’est qu’il soit clairement écrit qu’on peut bénir un couple en situation irrégulière, donc de chrétiens divorcés-remariés ou de personnes homosexuelles tout en disant aussi, dans le même temps, que l’on peut bénir ce couple sans toutefois bénir ni leur union, ni leur relation. C’est là qu’est le nœud du problème qui demande un développement et une explication, puisque, selon nous, le couple c’est déjà une relation ! C’est une union ! Donc, notre lettre provinciale veut donner une orientation pour les prêtres et les diacres qui pour beaucoup étaient déstabilisés par ce texte. Ils ne savaient plus s’il fallait répondre dogmatiquemnt aux demandes de ces couples ou s’il fallait se retenir. Nous leur offrons donc la possibilité, qui était déjà proposée dans un précédent texte du dicastère pour la Doctrine de la foi datant de 2021, de bénir chaque personne et non pas le couple » explique Mgr Jean Bondu, évêque auxiliaire de Rennes.
Et afin de ne pas contribuer à créer de la « confusion » ou du « scandale », les évêques de l’ouest de la France ont donc préféré inviter les prêtres de leurs diocèses à ne pas bénir de couples, mais uniquement des individus.
Quoiqu’il en soit, selon le père Jean-Baptiste Edart, cette polémique n’aurait pas eu lieu si l’on avait bien formulé cette déclaration avec des termes clairs. « Ce n’est pas sans raison que le Christ invite ses apôtres à une parole claire, « que votre oui soit oui et votre non soit non. » Soyons donc attentifs, en disciples du Christ, à avoir toujours cette clarté d’expression. C’est un témoignage rendu à la vérité » déclarait le doyen de la faculté de théologie de l’Université Catholique de l’Ouest à Angers dans sa chronique bimensuelle sur RCF Anjou.
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