Incompréhension. Gâchis. Voici les mots qui ressortent le plus parmi les réactions locales à la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim. La France peut-elle se passer du nucléaire si elle souhaite son indépendance énergétique ? Réponse avec Frédérique Berrod, professeure à Sciences Po Strasbourg.
Parmi les grands enjeux de l’élection présidentielle, on retrouve bien évidemment l’énergie. Une question qui revient d’autant plus fortement sur le devant de la scène avec la guerre entre la Russie et l’Ukraine. En région Grand-Est, le sujet est délicat. Pour une seule raison : Fessenheim. Cette centrale nucléaire, qui doit être à terme démantelée, fait l’objet d’une vive polémique au niveau local.
"Il y a eu beaucoup d’impréparation dans ce dossier, ce qui est un peu étonnant, car cela fait très longtemps que l’on parle de cette centrale et de sa fermeture. On n’a pas suffisamment réfléchi à l’ensemble des conséquences que peut avoir la fermeture d’une centrale. C’est une fermeture très politique. La centrale ne présentait pas de dangers particuliers. Elle a fait l’objet de beaucoup de pressions politiques en France et en Allemagne" explique Frédérique Berrod, professeure à Sciences Po Strasbourg, vice-présidente de l’Université de Strasbourg, auteure de La mutation des frontières dans l’espace européen de l’énergie (éd. Larcier).
Pourquoi Fessenheim ? Pour Frédérique Berrod, la polémique et la fermeture vient en premier lieu de sa situation. "Elle est à la frontière. On peut d’ailleurs se demander s’il est bien opportun de mettre ce type de centrale à la frontière. Et il est clair que de l’autre côté, en Allemagne, le choix ne va pas du tout dans le sens du nucléaire. La centrale du Bugey pose également un certain nombre de problèmes avec la Suisse. Ce sont des problèmes que nous serons appelés à connaître dans un futur assez proche" lance-t-elle.
Quand on parle d’énergie aujourd’hui, arrive inévitablement la question de l’indépendance énergétique. Un problème soulevé de nouveau par le conflit en Ukraine. Mais de quelle indépendance parle-t-on ? A l’échelle d’un pays ? D’un ensemble plus large ? Frédérique Berrod rappelle que la question de l’indépendance énergétique est déjà abordée au niveau européen. "L’ambiguïté est qu’actuellement, l’Union européenne est déterminante du point de vue des approvisionnements. Maintenant les États ont le choix de leur bouquet énergétique" précise-t-elle.
Cette spécialiste des politiques énergétique rappelle également que l’Union européenne est encore dépendante d’autres États tiers, dont la Russie. "Ce qui est important de faire, c’est de choisir ses dépendances. Il faut développer des solidarités entre États, ce qui se fait déjà dans le secteur du gaz. Les dépendances doivent être réfléchies par rapport aux risques géopolitiques, par rapport aux risques de certaines productions. Il vaut mieux avoir une variété de dépendances plutôt qu’une dépendance exclusive" estime Frédérique Berrod sur RCF.
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