Avant de parler de l’image, il faut peut-être que je vous rappelle le contexte. Dimanche soir avait lieu en Pologne, le Grand Orchestre de charité de Noël, une grande opération de collecte de fonds pour les hôpitaux et les enfants malades. Quand le maire de Gdansk est monté sur scène pour prendre la parole, il a été poignardé par un homme de 27 ans, présenté comme un déséquilibré. Lundi, on a malheureusement appris que Pawel Adamowicz, c’est son nom, avait succombé à ses blessures. Des milliers de Polonais sont alors descendus dans la rue pour dire leur solidarité.
C’est une photo prise par drone, une image vue du ciel, qui a été beaucoup reprise par les journaux, qui a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux. Elle nous montre une foule immense. Des milliers d’hommes et de femmes qui marchent dans le centre ville de Gdansk. La foule occupe tout le cadre, elle le remplit de bas en haut, elle semble déborder de chaque côté, elle semble infinie. C’est la force de cette image. Un photographe m’avait dit un jour : "une photo prise d’en haut, c’est un peu comme le titre d’un article".
Et bien, un gros plan, ça permet de montrer en détail des expressions du visage, des émotions. Un plan un peu plus éloigné, cela permet de montrer l’ensemble d’une situation : des gens qui agissent, qui se réjouissent ou qui souffrent, ET le décor dans lequel ils évoluent. C’est le format le plus classique quand on parle d’actu. Une photo prise du ciel, cela permet d’enlever tout élément qui pourrait distraire le lecteur, cela permet de gommer les détails, cela donne juste l’idée générale de l’évènement. Comme le gros titre d’un article.
Le gros titre ici c’est l’émotion massive et spontanée du peuple polonais. Spontanée, car on est quelques dizaines de minutes après l’annonce de sa mort. Pawel Adamowicz, c’était un homme politique élu depuis 20 ans maire de la ville, réélu en novembre. Dans une Pologne qui dévie dangereusement vers l’extrême droite, cet ancien de Solidarnosc, le syndicat qui s’est dressé contre le régime communiste en Pologne au début des années 80, sortait du lot. Il était un défenseur des minorités. Sa politique d’accueil envers les migrants avait été mise en lumière par le Haut Commissariat aux réfugiés il y a un an. C’était un catholique pratiquant, qui avait reçu la croix de l’honneur des mains de l’ancien pape Jean Paul II. Un homme bon, mais qui était depuis 3 ans, l’objet d'une campagne violente et massive de la part des médias publics, aux mains des conservateurs et nationalistes.
Sur la photo c’est un moment arrêté. Un moment d’unité nationale, avant que le débat très vif ne reprenne. Depuis lundi, on se pose beaucoup de questions en Pologne, sur comment en est-on arrivé là. Quelle est la responsabilité des politiques, des discours de haine. Mais sur la photo, on voit les beaux bâtiments au style flamand du centre historique de la ville. On voit des halos de lumière : une fontaine, un sapin de Noël, des lampadaires éclairés pour les fêtes, avec du bleu, du blanc, du jaune. On devine les bonnets dans le froid. C’est une marche de solidarité. L’espace d’une soirée, le temps d’une photo, un recueillement.
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