Activité très ancienne, glaner, c’est « ramasser les épis de blé restés sur le champ après la moisson ». On trouve au livre du Lévitique (19, 9 et 10) : « Tu ne glaneras pas ta moisson. Tu ne grappilleras pas ta vigne. Tu les abandonneras au pauvre et à l’étranger. » Ou, dans le Deutéronome (24, 19) : « Lorsque tu feras la moisson dans ton champ, si tu oublies une gerbe, ne reviens pas la chercher. Elle sera pour l’étranger, l’orphelin et la veuve. » Convocation au souci d’autrui.
En 1554, un édit d’Henri II codifie le glanage plus encore. Il s’ouvre par cette déclaration : « Combien que par les degrez de charité, l’homme ne puisse moins faire pour son prochain que de luy estre liberal de ce qui ne lui profite point et qui pourrait un peu profiter à autrui. » Interdiction est faite, aussi, de glaner à ceux qui sont bien-portants et qui moissonnent, afin de ne pas prendre ce qui doit revenir à plus démunis.
Peut-être aviez-vous vu ce beau documentaire d’Agnès Varda, en 2000 sur les « glaneurs et la glaneuse. » Sa caméra filme avec délicatesse ces femmes et ces hommes qui glanent par nécessité, par goût, par conviction éthique. Autant de « récupéreurs », « ramasseurs » et « trouvailleurs ».
Aujourd’hui, nombre de mouvements s’organisent autour du glanage. Telle Anya Steger, dans une ferme perdue près de New York, membre de l’Église épiscopalienne, et qui glane pour ensuite donner aux banques alimentaires. Ou encore dans des grandes villes de France « les tentes des glaneurs », collectifs qui mettent en place des collectes de fruits et légumes invendus ou destinés au rebut puis ils les portent à des personnes en situation précaire, avec le souci de tisser des relations.
Les glaneurs par nécessité, toutes petites retraites, bourses d’étude insuffisantes, RSA inaccessibles, disent douloureusement la mesure de la paupérisation.
Les plus militants, eux, veulent avec raison s’attaquer gaspillage alimentaire. 260 kg de nourriture par an et par personne. Sans compter que chaque grande surface, en France, produit 200 tonnes de déchets par an.
Dans tous les cas, le glanage renvoie à ce drame de ceux qui n’ont pas assez de l’élémentaire, face à ceux qui trop, y compris du superflu. Mais il ouvre aussi à une vraie solidarité.
Mais encore, à l’heure du covid-19, le glanage est une activité indispensable pour nous tous. Car aujourd’hui nous sommes tous des glaneurs de bonnes idées, de trouvailles élémentaires ou de très haute technicité, pour mieux protéger, soigner, guérir, vacciner. Des glaneurs aussi de la responsabilité de chacun dans la solidarité de la commune vulnérabilité, pour traverser ensemble cette grande épreuve.
Véronique Margron op.
Sr Véronique Margron est religieuse dominicaine, présidente de la Corref (Conférence des religieux et religieuses de France). Chaque semaine, écoutez son édito dans La Matinale RCF.
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