Le premier sens du mot est éloigné d’une épidémie, il s’agit en effet de la grippe de fer, un sorte de griffe permettant d’agripper quelque chose d’un seul coup, comme les crochets avec lesquels on attrapait les les caisses de bois sur les quais de la gare de marchandises. C’est justement parce que la grippe vous attrape comme cette grippe de fer, qu’elle prit ce nom au XVIIIe siècle.
Avant de devenir cette maladie que le Petit Larousse de 1905 assimile à une « espèce de catarrhe épidémique », la grippe désignait aussi la fantaisie qui vous prenait d’un coup et sans raison. Ainsi, lorsque dans la Mascarade des enfants gâtés Pierre Corneille signale qu’il est plus heureux Que tant de fous et d’amoureux, Qui se sont perdus par leurs grippes , on est loin de la grippe qui cloue au lit, en général sans gravité ou parfois inventée, comme celle qui fait dire à Georges Elgozy, dans le Fictionnaire (1973), qu’elle a pour synonyme absentéisme !
En fait aujourd’hui, on a pris conscience que la grippe peut tuer des personnes faibles, mais dans le Dictionnaire de la conversation de 1832, le docteur Charbonnier rappelle que si l’on a très peu parlé de la
grippe avant le XIX e siècle, c’est, déclare-t-il qu’« à côté des pestes ou épidémies graves, on vit sans doute de tout temps régner épidémiquement des maladies légères, dont les chronologistes ne daignèrent même pas faire mention ». Il va sans dire que la notion d’épidémie était alors associée à cette terrible maladie qu’est la peste.
Cependant, on a retenu quelques dates d’épidémies de grippe marquantes, par exemple en 1510, 1557, 1574, 1580, 1658 et 1676. Les historiens signalent notamment qu’en 1729, une épidémie de grippe, en rien associée à la peste, si grave cependant qu’elle détruisit à Londres plus de monde que la peste n’en avait fait mourir dans cette ville, en 1665. Et le docteur Charbonnier de déclarer par ailleurs que ce serait en 1743 que le mot « grippe » populaire depuis le XVI e siècle fut adopté par les médecins.
Signalons qu’on n’hésita pas à donner des noms parfois ridicules aux épidémies de grippe. Comme elle arrivait comme une lettre à la poste, on l’appela un temps le « petit courrier » et puis en 1802, « cocotte » - on ignorait alors tout de la grippe aviaire - puis auss en 1831, la « girafe », qui venait d’arriver au Jardin des plantes… Alors revenons à Raymond Devos qui s’interrogeait sur la différence entre une bonne grippe et une mauvaise grippe ! Aucune évidemment !
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