Le génocide rwandais, qui s'est déroulé d'avril à juillet 1994, a pris comme point de départ l'attentat de l'avion du président. Un prétexte pour lancer une vague de massacres du peuple Tutsi, perpétrés par les Hutus. En juin 1994, la France intervient au Rwanda avec l'opération Turquoise, prétendûment humanitaire. Ce que conteste Guillaume Ancel.
Guillaume Ancel fut officier dans la force d’action rapide. Il témoigne depuis plusieurs années, tout d'abord par le biais d'un roman, Vents sombres sur le lac Kivu, puis, aujourd'hui, avec Rwanda, la fin du silence, ouvrage dans lequel il lève le voile sur les actions militaires françaises au Rwanda.
Il décide de coucher par écrit son témoignage en constatant que ses paroles sont, d'une part, remises en cause, de l'autre, rapidement oubliées. "J'ai réalisé qu'un couvercle de plomb avait été coulé sur le rôle de la France. Les témoignages publics ne suffisant pas, j'ai voulu publier par écrit : c'est le seul moyen que le silence propre à la culture des militaires ne deviennent pas amnésie sur un sujet aussi grave".
Il ne critique pas les actes de ses compagnons d'armes. "Nous avons fait ce qu'on nous a demandé. Mon sujet, ce sont les décisions politiques qui nous ont mis dans cette situation. Qui nous a compromis au Rwanda"?
Guillaume Ancel guidait les frappes aériennes. "J'étais entraîné depuis des années pour guider au plus près des cibles les avions. Je devais mener un raid terrestre jusqu'à Kigali, pour remettre en place le gouvernement de l'époque. Ce n'était pas pour créer une radio libre!"
La protection humanitaire, a, certes, existé. "Mais ce volet a servi à masquer une autre opération Turquoise, qui consistait à remettre en place le gouvernement génocidaire. C'est très grave qu'on nous ait caché cela pendant vingt-quatre ans. En le cachant, on se donne l'autorisation de le refaire".
"Lorsque j'ai publié mon premier livre", explique Guillaume Ancel, "cela a créé une polémique". Alors, le président Hollande annonce qu'il va faire ouvrir les archives. "Le fait est que les archives sont officiellement ouvertes... mais non consultables!"
Ce comportement des autorités françaises est "incompréhensible" pour Guillaume Ancel. "En tant que citoyens français, on doit savoir ce qui a été fait en notre nom. Pour l'intelligence collective, il nous faut comprendre comment des gouvernants de l'époque, qui n'étaient pas déments, ont choisi de soutenir des gens qui commettent un génocide". Pour lui, c'est le résultat d'une "complicité totale dans l'erreur : quand ils ont compris qu'ils s'étaient trompés, ils ont bétonné les archives du Rwanda".
Il revient sur les différentes étapes de l'action de l'armée : "Premièrement, nous avons essayé de remettre en place le gouvernement génocidaire. Ensuite, nous avons protégé leur fuite vers le Zaïre. Troisièmement, nous livrons des armes dans les camps de réfugiés".
"Ce sujet est enterré dans l’espoir que personne ne sache. Mais je rappelle, le génocide a causé près d'un million de morts. Comment voulez-vous, ne serait ce que pour honorer dignement la mémoire des victimes, qu'on puisse ignorer ça ?" Guillaume Ancel en appelle à Emmanuel Macron, qui n'a pas de lien avec les équipes précédentes. "Il faut ouvrir les archives et regarder la réalité en face".
Pour les rescapés rwandais, c’est un sujet difficile, un sujet de mémoire. "Comme nous avec la Shoah. C’est très difficile d’inscrire dans notre culture la reconnaissance d’une erreur collective. Les rwandais ont besoin que la France dise, on s’est trompés, on s’en excuse. Quand on parle du génocide, ils ne peuvent plus dire un mot. Pour eux le génocide, c’est l’indicible".
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