Les scandales et abus sexuels à répétition dans l’Église nous donnent l’impression que la barque de Pierre prend l’eau de toute part. Comment en est-on arrivé là ?
D’autres sujets, au sein de l’Église, ne font pas forcément scandale, mais interrogent les spécialistes du Vatican, mais aussi de nombreux fidèles. C’est notamment le cas de la proposition, à l’issue du synode sur l’Amazonie, d’ordonner prêtres des diacres mariés. Une proposition qui paraît moins radicale que celle évoquée au départ, l’ordination d’hommes mariés, mais qui pour Henri Tincq, ancien journaliste du quotidien Le Monde, contributeur sur Slate.fr, auteur de 'Vatican, la fin d’un monde' (éd. du Cerf), représente néanmoins une réforme d’envergure.
'Elle vient de la base. Il faut la saluer comme telle. Ce n’est pas une décision imposée d’en haut. Ce sont les évêques amazoniens qui se sont réunis pendant trois semaines au Vatican, autour du pape François, qui ont d’une certaine manière exprimé le souhait d’aboutir à cette réforme de l’Église : pouvoir ordonner des hommes mariés, des diacres permanents' explique-t-il notamment, expliquant que cette question, locale, pourrait faire l’objet de débats ailleurs dans le monde, comme en Allemagne par exemple.
Revenant sur la criseque traverse l’Église, Henri Tincq explique faire une sorte de mea culpa dans son dernier ouvrage, pour ne pas avoir vu la crise poindre, alors qu’il observait le monde ecclésial pendant des années. 'J’étais le responsable des questions religieuses et catholiques au journal Le Monde. J’ai analysé le pontificat de Jean-Paul II. J’ai fait tous ses voyages. J’étais à Rome. Aujourd’hui, je me demande comment j’ai pu passer à côté des abus sexuels et spirituels. Devant l’ampleur des révélations, au fil des années, je me suis dit que ce n’était plus possible. Dans ce livre, je m’engage personnellement. Je me retrouve parfaitement dans le public catholique d’aujourd’hui' lance-t-il.
'La crise n’est pas seulement morale. C’est aussi une crise de gouvernance. Et la démission d’un pape [Le pape Benoît XVI NDLR], la première depuis des siècles, traduit un malaise profond dans la gouvernance de l’Eglise. Des entourages peu convaincants, voire médiocres, et une pression permanente sur un pape, immense théologien, mais pas un homme politique' précise également le journaliste, évoquant le cas du cardinal Ratzinger.
A l’inverse, le pape François semble plus politique que son prédécesseur. 'J’ai beaucoup d’espoir dans ce pape François, qui est un pape plus politique. Le pape François a sans le dire un certain nombre de réformes importantes : décentraliser l’Eglise, revenir sur cet héritage de l’Eglise tridentine, de la contre-réforme, sur ce catholicisme romain où tout part de la papauté. Il faut revenir aux Eglises locales. Il a compris qu’il ne fallait plus s’adresser au monde d’aujourd’hui avec de grands magistères moraux, mais en prenant compassion pour les personnes. Il est capable de bousculer les conservatismes au sein de l’Eglise, et aller jusqu’au bout de ses réformes' estime Henri Tincq.
Aujourd’hui, on parle beaucoup de réparer l’Eglise. Pour Henri Tincq, ce qui a été abîmé est irréparable. 'Mais il y a un changement d’attitude complet à observer. Il y a une conversation du regard, de la pensée, des pratiques à observer. On est sur la bonne route, mais ce n’est pas réparable. J’ai bon espoir. Le Vatican, c’est la fin d’un monde, mais certainement pas la fin de l’Eglise' conclut-il.
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