"Mon fils est mort, j’ai envie de mourir, je vais être absente un moment." Tel est le message posté sur le réseau social Twitter par une maman, ce dimanche 21 juin. Une autre lui répond : "Le mien est décédé il y a 16 ans, je ne guéris pas." Une autre encore : "On reste amputé d’une partie de nous-même, chaque jour est un combat." Et une autre enfin, dont la fille est décédée à 19 ans, de citer cette parole de Péguy : "Je ne suis pas loin, juste de l’autre côté du chemin."
Des visages me reviennent. Visages bouleversés, entamés par trop de chagrin, rencontrés lors de journées, aussi dignes qu’intenses, avec des parents endeuillés. Visages aussi d’amis, dont les parents et les sœurs de Pierre, enfant lourdement handicapé, au sourire magnifique, mort à 20 ans.
À toutes, comme à leur compagnon, je voudrais dédier ces mots plein d’humanité de la philosophe Cynthia Fleury, repris de sa carte blanche "Aux mères désenfantéesé, un matin sur France Inter. Qu’est-ce qu’une mère désenfantée ? C’est une mère endeuillée, qui a perdu un enfant. Ce sont aussi celles qui n’arrivent pas ou ne sont pas arrivées à avoir un enfant et qui portent cela comme une tristesse et une errance infinie. Il ne s’agit nullement de dire qu’avoir un enfant est nécessaire à la femme. Il s’agit simplement de rappeler que quand un être humain vit un tel drame, il peut en perdre son propre sujet et le goût de sa vie. C’est un dur chemin, intérieur, invisible, presque incompréhensible pour les autres. La mort de l’autre, c’est quelque chose de très personnel, de très infime, quelque chose qui n’a aucune place dans le monde. Cela n’a peut-être même jamais existé et cela vous absorbe.
À ces femmes, je leur dis : nous avons besoin de vous pour nous enseigner comment il faut prendre conscience du don du présent, comment s’engager pour la suite peut devenir un immense chemin, comment ne pas vaciller dans la douleur définitive. Ces femmes, ces mères "désenfantées", je veux simplement les saluer avec douceur, leur dire qu’elles sont aussi nos mères, nos filles, nos femmes et que la filiation maintient sa force et son mystère au-delà de la mort.
Sr Véronique Margron est religieuse dominicaine, présidente de la Corref (Conférence des religieux et religieuses de France). Chaque semaine, écoutez son édito dans La Matinale RCF.
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