JavaScript is required

Jacques Barrot, 10 ans après sa disparition la Haute-Loire se souvient

Un article rédigé par Stéphane LONGIN - RCF Haute-Loire, le 2 décembre 2024 - Modifié le 6 décembre 2024

Le 3 décembre 2014, Jacques Barrot décédait dans l'anonymat du métro parisien. 10 ans plus tard, la Haute-Loire se souvient de celui qui a porté la voix du département jusqu'au plus hautes instances nationales et Européennes. Avec 5 témoignages d'élus et de proches collaborateurs, RCF Haute-Loire revient sur une carrière riche en projets structurants pour le territoire.

Jacques Barrot dans le bureau de la présidence au Département de la Haute-LoireJacques Barrot dans le bureau de la présidence au Département de la Haute-Loire

D'Yssingeaux à Bruxelles, un parcours politique exemplaire

Fils du résistant Noël Barrot, Jacques est entré en politique après le décès brutal de son père au sein de l'assemblée nationale. Elu d'abord Conseiller Départemental du Canton D'Yssingeaux, il accède au Palais Bourbon l'année suivante, en juin 1967. Les débuts d'une carrière politique qui marquera la Haute-Loire.

En près de 50 ans Jacques Barrot a assumé les fonctions de Parlementaire (28 ans à l'assemblée nationale), Ministre (9 ans et 4 ministères différents), Commissaire Européen (5 ans en temps que Vice-Président de la Commission Européenne) et localement des mandats de Conseiller Départemental (pendant 37 ans) et de Président de la collectivité (28 année à la tête de l'exécutif départemental).

En Haute-Loire, il est à l'origine de grands chantiers comme celui de la RN88 entre Saint-Etienne et Yssingeaux ou la rénovation de l'Hôpital Général en Vieille Ville du Puy en Velay (voir les témoignages ci dessous).

 

Retrouvez cette archive de France 3 du soir du premier tour de la Présidentielle de 2002. Jacques Barrot apprend en direct et avec Laurent Wauquiez que Jean Marie Le Pen est au second tour.

Un attachement fort à la Haute-Loire

Si Jacques Barrot a été une figure marquante de la Démocratie Chrétienne au niveau national, lui imposant de longues séquences parisienne. Jacques Barrot a toujours souhaité rester proche du territoire et de ses habitants. Madeleine Dubois, qui est originaire de Haute-Loire, a toujours fait partie de sa garde rapprochée "je suis la première personne qu'il a appelé [lors de sa première nomination comme Ministre] car il voulait absolument avoir quelqu'un du département auprès de lui". Une présence altiligérienne essentielle pour Jacques Barrot selon son ex-collaboratrice "c'était capital ! Il avait l'habitude de réunir tous les mois des amis de la Haute-Loire pour prendre le pouls du département" et d'expliquer "il revenait ensuite à Paris avec ses petits papiers et ses carnets d'Yssingeaux et de la Haute-Loire et il disait [aux membres de son Ministère] regardez, les gens ne comprennent pas ce que vous dites... il faut changer".

Jacques Barrot avec Valéry Giscard D'Estaing, Madeleine Dubois et Jean Proriol

Un ancrage territorial fort qu'il a cultivé avec patience et parfois d'une main de fer, choisissant minutieusement celles et ceux qui feraient partie de "l'équipe départementale". Car Jacques Barrot n'était pas toujours tendre avec ses adversaires et ceux qui lui tenait tête. Madeleine Dubois se souvient de ses colères "elles sont connues. Elles étaient parfois spectaculaires. Et aujourd'hui elles sont dans les livres d'histoire" dit-elle en plaisantant. Mais cela n'a jamais empêché le respect de ses adversaires "je me souviens du dossier de la RN88. A l'époque c'était Jean Claude Gayssot le Ministre des transports. Il était communiste mais Jacques est allé le voir pour débloquer les fonds pour continuer les travaux. Et Gayssot lui a répondu qu'il allait débloquer les fonds car Jacques était un Ministre qui les avait respecté et qui leur avait donné la parole" se rappelle Madeleine Dubois. 

10 ans après sa disparition un seul bâtiment porte le nom de Jacques Barrot en Haute-Loire, l'hôpital d'Yssingeaux. Logique selon son ex directrice de cabinet qui explique qu'avant de mourir l'ancien député altiligérien avait évoqué la question "tu sais quand je ne serais plus là, si on veut donner mon nom à un bâtiment public tu veilleras à ce que cela me ressemble". Un hôpital dans une petite commune de Haute-Loire, là où sa famille tenait la pharmacie, c'est "parfait pour Jacques qui a été Ministre de la Santé" explique Madeleine Dubois.

Retrouvez l'intégralité du témoignage de Madeleine Dubois au micro de Stéphane Longin.

Jacques Barrot et la Haute-Loire, un lien "capital" selon Madeleine Dubois
Le chantier du Conseil Départemental - Photo CD43Le chantier du Conseil Départemental - Photo CD43
Le chantier du Conseil Départemental - Photo CD43Le chantier du Conseil Départemental - Photo CD43
Le chantier du Conseil Départemental - Photo CD43Le chantier du Conseil Départemental - Photo CD43
Le chantier du Conseil Départemental - Photo CD43Le chantier du Conseil Départemental - Photo CD43

L'Hôtel du Département, un chantier "visionnaire"

Président du Conseil Général entre 1976 et 2004, Jacques Barrot doit gérer la décentralisation. Les services de la collectivité se retrouvent un temps dans les mêmes bâtiments que les services de l'Etat ce qui ne convient pas à l'élu local. Il estime qu'une distinction est "nécessaire afin de positionner le Département comme une collectivité de plein exercice" explique Joseph Ploton qui a été Directeur Général des Services du Département pendant de longues années. Un chantier d'envergure qui jouera un rôle essentiel dans la rénovation du Centre Historique du Puy en Velay. L'Hôpital Général est en mauvais état et "seul le département pouvait le sauver" estime Joseph Ploton qui a suivi le chantier pour la collectivité.

Un chantier que Jacques Barrot a pris le temps d'expliquer et de faire accepter par les élus départementaux. Le Directeur Général des Services de l'époque se souvient de la vision du Président sur le sujet "il ne voulait pas juste faire un bâtiment fonctionnel, il voulait l'ouvrir à tous" mais aussi de sa patience "curieusement, Jacques qui était souvent très pressé à souhaité prendre son temps. ça me surprend encore un peu car c'était très différent de ses habitudes".

 

Ecoutez l'intégralité du témoignage de Joseph Ploton, ancien DGS du Département de la Haute-Loire. 

Le chantier de l'Hôtel du Département vu par Joseph Ploton, ancien DGS

La RN88, le grand chantier de désenclavement de Jacques Barrot

Le désenclavement de la Haute-Loire et son développement économique ont été des priorités pour Jacques Barrot. Son ambition selon Jean-Pierre Marcon, président du département de 2014 à 2021, c'était "d'ouvrir le département à l'extérieur, l'ouvrir aux nouvelles technologies, l'ouvrir à des régions de France qui nécessairement ne venaient pas dans notre département, l'ouvrir à un niveau national et même extranational, européen". Cette volonté, il l'a mise en oeuvre à travers des projets routiers comme l'aménagement de la RN88 "essentielle pour que le département soit relié à la région Rhône-Alpes qui a été celle qui a été donneur d'ordre de beaucoup d'entreprises du département."  Pour cela il a fallu trouver des crédits et notamment au plus haut de l'Etat. Il y a aussi eu des projets routiers sur des axes "secondaires", l'installation de la ligne aérienne Le Puy-Paris, la desserte en train.

Jean-Pierre Marcon et Jacques Barrot /photo fournie par Jean-Pierre Marcon

Jacques Barrot est aussi vu par Jean-Pierre Marcon comme un "passionné de développement économique". Il a travaillé à l'installation de grande entreprises comme Michelin ou Merck (Faréva) sur la zone d'activité Saint-Germain Blavozy. L'homme politique était aussi un innovateur selon Jean-Pierre Marcon. C'est Jacques Barrot qui a initié le développement d'usines relais. Des bâtiments construits et mis à disposition des entreprises par les collectivités territoriales. Ce type de projet "n'a pas été accepté facilement par notamment les pouvoirs publics, mais ça a créé des emplois même dans des communes les plus reculées".

 

Jean-Pierre Marcon revient sur son lien avec Jacques Barrot et sur sa vision du désenclavement en longueur 

Jacques Barrot, acteur du développement économique et du désenclavement de la Haute-Loire selon Jean-Pierre Marcon
Jacques Barrot et Gérard Roche

Jacques Barrot et l'amitié en politique

C'est une formule que les journalistes et les élus entendent ou emploient souvent : il n'y a pas d'amitié en politique. Mais pour Gérard Roche, qui a succédé à Jacques Barrot à la présidence du Conseil Départemental de Haute-Loire, il y a forcément des exceptions "c'était un ami. Je crois qu'il aimait bien passer du temps avec moi car je le faisais rire. Mais on parlait aussi très sérieusement". Une proximité partagé avec un groupe d'altiligérien que Jacques Barrot réunissait régulièrement autour de lui à l'occasion de repas et dont se souvient l'ancien sénateur centriste "c'était la République des braves gens. Avec des réunions où j'avais mon accordéon et à la fin nous faisions un peu la fête".

Gérard Roche et Jacques Barrot

Mais Gérard Roche se souvient aussi des moments où ils n'étaient pas d'accord "au moment de la création de l'UMP cela a été difficile. Parfois c'était même un peu violent... mais ça se terminait toujours bien. On s'engueulait un peu mais après ça allait mieux". En revanche, un point sur lequel Jacques Barrot n'acceptait pas le compromis c'était avec les extrêmes et notamment l'extrême droite "pour lui s'était le retour des années sombres du nazisme et de la violence. ça lui rappelait l'histoire de son père [résistant pendant la 2nde guerre mondiale] et il ne supportait pas cela".

Aujourd'hui Gérard Roche est le président du Festival de Musique de la Chaise Dieu. Une mission qu'il a accepté d'assumer, là aussi, après le décès de Jacques Barrot "c'était un homme de culture et de musique. Chez lui il y avait toujours un fond musical quand on allait le voir" et de rajouter "mais il faut comprendre que le Festival existe encore grâce à Jacques Barrot". L'ancien Président du Département a en effet souvent assumé les investissements nécessaires pour le faire vivre devant une assemblée qui trouvaient que les sommes investies étaient parfois trop importantes et Gérard Roche de se souvenir "il y avait beaucoup d'années déficitaires. Et le Département était là pour voter une subvention d'équilibre. Et c'est lui qui arrachait ça ! Et c'était pas toujours facile".

Retrouvez l'intégralité du témoignage de Gérard Roche, Président du Festival de la Chaise Dieu à l'occasion du dixième anniversaire du décès de Jacques Barrot.

Amitié en politique et Culture, Jacques Barrot vu par Gérard Roche

Jacques Barrot, une source d'inspiration politique

A la tête du Conseil Départemental depuis 2021, élue de la collectivité depuis 2008, Marie Agnès Petit n'a pas croisé Jacques Barrot dans l'Assemblée de l'exécutif altiligérien. Mais celle qui occupe aujourd'hui le siège de l'ancien Ministre au Département se souvient de ses rencontres avec celui qui était un "poids lourd" du territoire "il était incontournable parce que chacun et chacune retrouvait, à travers lui, le département qui lui collait si bien. Avec son humilité, sa disponibilité et sa simplicité". Marie Agnès Petit partage aussi son admiration pour ce parcours, cette "belle aventure qui commence à Yssingeaux et qui l'a fait monter jusqu'aux sommets européens" qu'elle explique par une volonté de Jacques Barrot "toujours expliquer aux concitoyens pourquoi une décision a été prise"

Marie Agnès Petit présidente du département de la Haute-Loire

Une manière de faire de la politique que la Présidente actuelle du Conseil Départemental avoue apprécier et ne cache pas qu'elle peut être source d'inspiration "je ne vais pas dire que je lui ressemble un peu, je ne me le permettrais pas. Mais il est d'un village rural comme moi. Il fait partie de ceux qui avait cette foi inébranlable comme moi. Il a toujours été honnête, loyal et attaché au faire ensemble, comme j'aime. Alors sans vraiment me le dire, mais en le regardant faire... certainement qu'il est une source d'inspiration pour moi".

 

Ecoutez le témoignage de Marie Agnès Petit, Présidente du Département de la Haute-Loire

Invité localJacques Barrot, une "source d'inspiration" pour Marie Agnès Petit

L'action de Jacques Barrot pour la ville du Puy-en-Velay par Serge Monnier

Dans un texte envoyé à notre rédaction, Serge Monnier, ancien maire de la citée vellave et ancien député, se souvient de sa relation avec Jacques Barrot et de l'action de ce dernier en faveur de la ville du Puy. Retrouvez ci-dessous quelques extraits.

"Sur le bassin du Puy, il faut souligner l’action de Jacques Barrot pour l’implantation d’unités industrielles de première grandeur comme l’usine Michelin de Blavozy ou l’usine pharmaceutique MSD La Vallée à Saint-Germain-Laprade."

"L’attractivité touristique de la ville du Puy a été particulièrement accrue par la restauration complète de l’Hôtel- Dieu et de l’Hôpital Général. 

Je tiens à souligner tout particulièrement l’engagement constant de Jacques Barrot pour le développement de l’enseignement supérieur au Puy.

Dans les années 70 il n’y avait au Puy comme enseignement post-baccalauréat que l’Ecole d’infirmière et des sections de Techniciens supérieurs de secrétariat et de comptabilité dans les lycées publics et privés de l’agglomération. A partir d’une suggestion du Centre Permanent d’Initiation à l’Environnement du Velay, le Lycée Simone Weil prépara un projet de création d’une STS qui préparerait à un Brevet de technicien supérieur de phytologie en prenant en compte la richesse de la flore de ce pays de moyenne montagne. Jacqure Barrot usa de toute son influence pour convaincre le Rectorat de Clermont-Ferrand d’autoriser l’ouverture de cette Section de Technicien Supérieur. Mais cette discipline n’étant pas répertoriée dans les formations du Ministère de l’Education Nationale, il fallut bientôt convertir cette STS de Phytologie en STS de Biotechnologie. Ce qui fut fait,  et la pérennisation de cette STS poursuit encore ses effets dans le cadre de l’offre de formation au Puy.

Mais il n’y avait toujours pas d’établissement d’enseignement de niveau universitaire au Puy, et le Rectorat  avait fait savoir qu’aucune ouverture n’était envisagée. Face à cette absence de perspective, Jacques Barrot comme Président du Conseil Général, avec Jean Proriol Premier Vice-Président de la Région Auvergne, Etienne Viallet, le Président de la CCI, et moi-même comme Président du District urbain, nous prenons l’initiative de créer au Puy un établissement d’enseignement supérieur privé dans un domaine bien accordé avec les entreprises de plasturgie implantées en nombre sur la partie Est du département. C’est ainsi qu’en 1990 est né l’ESEPAC (Etablissement Supérieur Européen du Packaging et du Conditionnement)  dont les locaux sont situés sur la zone industrielle de Saint-Germain- Laprade. Depuis 1992 plus de 1200 étudiants en sont sortis diplômés, et l’ESEPAC est devenu leader de la formation supérieure en emballage en France"

Cet article vous a plu ?
partager le lien ...

RCF vit grâce à vos dons

RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation  de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !

Faire un don
Qui sommes-nous ?

RCF est créée en 1982, à l'initiative de l'archevêque de Lyon, Monseigneur Decourtray, et du Père Emmanuel Payen. Dès l'origine, RCF porte l'ambition de diffuser un message d'espérance et de proposer au plus grand nombre une lecture chrétienne de la société et de l'actualité.

Forte de 600.000 auditeurs chaque jour, RCF compte désormais 64 radios locales et 270 fréquences en France et en Belgique. Ces 64 radios associatives reconnues d'intérêt général vivent essentiellement des dons de leurs auditeurs.

Information, culture, spiritualité, vie quotidienne : RCF propose un programme grand public, généraliste, de proximité.Le réseau RCF compte 300 salariés et 3.000 bénévoles.

RCF
toujours dans
ma poche !
Téléchargez l'app RCF
Google PlayApp Store
logo RCFv2.14.0 (21796db) - ©2024 RCF Radio. Tous droits réservés. Images non libres de droits.