Hier s’éteignait Jacques Chirac à 86 ans. Et, si l’Europe avait été l’un des grands marqueurs de son prédécesseur, François Mitterrand, il serait, en effet, quelque peu exagéré de dire que Jacques Chirac a toujours été un Européen convaincu.
Il a d’abord été – cela a été abondamment rappelé depuis hier matin – l’homme de l’Appel de Cochin. En 1979, guidé par ses conseillers eurosceptiques Marie-France Garraud et Pierre Juillet, Jacques Chirac qualifiait l’UDF du président Giscard d’Estaing de « parti de l’étranger » en raison de ses prises de position pro-européennes, et développait un discours fortement nationaliste.
Gaulliste, Jacques Chirac a souvent craint une Europe et des Européens qu’il percevait comme largement favorable aux Etats-Unis. Sans qu’il ait nécessairement toujours eu tort, cette réticence lui a parfois été préjudiciable. Ainsi, sa mise en garde à l’égard des pays d’Europe centrale qui avaient, selon lui, perdu une « bonne occasion de se taire » en prenant position pour la guerre en Irak.
Mais, Chirac était un Européen de raison. Et, je dirais qu’il a appris l’Europe à l’épreuve du monde. C’est face aux évolutions d’un monde en recomposition à la suite de l’implosion de l’URSS que l’intuition géniale et visionnaire d’une Europe puissance d’équilibre dans un monde multipolaire s’est imposée à lui.
Malheureusement, le Président Chirac n’est jamais véritablement allé au-delà de cette intuition et n’a jamais décliné celle-ci en une véritable vision française pour l’Europe. Et, le bilan européen du Président Chirac a surtout été marqué par deux grands échecs au niveau européen.
Tout d’abord, l’élargissement de 2004, qui est en soi un formidable succès, mais qui n’a jamais été valorisé comme tel. Ce qui participe à expliquer l’existence d’une coupure Est/Ouest aujourd’hui encore. L’autre grand échec est celui de la réforme du fonctionnement de l’UE : entre le désastreux Traité de Nice et la non-moins désastreuse campagne (ou absence de campagne) lors du référendum sur le Traité constitutionnel européen, l’Europe se sera enfermée dans un fonctionnement, qui est aujourd’hui encore bancal. Sans que cela soit entièrement sa faute, Jacques Chirac était un partisan de l’Europe des négociations intergouvernementales et n’a pas eu l’audace suffisante pour soutenir une réforme ambitieuse de l’Union.
Bien au contraire ! Si Jacques Chirac n’a pas été un moteur pour l’intégration européenne, il n’en a pas moins été un défenseur des valeurs européennes. Je retiendrai avant tout de lui son opposition exemplaire et sans faille à la Guerre en Irak de 2003 ; opposition qui a sauvé l’honneur des Européens, qui n’auront donc pas été tous complices de cette intervention catastrophique qui a durablement déstabilisé le Moyen-Orient. Rien que pour cela, Jacques Chirac aura été un grand Européen.
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