Il y aura donc deux messes catholiques, ce lundi, pour dire adieu à l’ancien président de la République Jacques Chirac. La première, dans la plus stricte intimité familiale, aux Invalides, le matin. La seconde, à midi, des obsèques solennelles cette fois, à Saint Sulpice, présidées par l’archevêque de Paris, Mgrâ¯Michel Aupetit, en présence de nombreux chefs d’État et de gouvernement, et notamment d’Emmanuel Macron.
Alors catholique, ce président qui s’était tant battu conte l’inscription, en 2004, des racines chrétiennes dans la Constitution européenne ? Oui bien sûr, et il ne s’en est d’ailleurs jamais caché, même s’il était moins pratiquant que son épouse, Bernadette. «â¯Je suis de ceux qui nourrissent un espoir pour après la mort⯻ avait-il confié à son ami Jean-Louis Debré. Et en vacances, le couple Chirac se rendait volontiers à la messe dominicale, notamment dans la paroisse de Bormes-les-Mimosas (Var).
Il avait d’ailleurs sans doute une vie spirituelle forte, même assez moderne, curieux de toutes les spiritualités, et notamment du bouddhisme, aimant s’entretenir avec les différents responsables religieux. Ce qui explique que dimanche, sa famille ait tenu à un temps de recueillement interreligieux lors de la cérémonie d’hommage.
Alors, comment expliquer cette réticence, qu’il a conservée longtemps, à parler des «â¯racines chrétiennes de la France⯻, ou plutôt à les inscrire noir sur blanc ? Jacques Chirac savait bien que la France était une veille terre chrétienne, comme il l’a dit devant Jean-Paulâ¯II, en 1996. Mais de ce point de vue, c’est un homme politique de «â¯l’ancien monde⯻, tenant d’une conception très classique de la laïcité. La religion est vue comme une affaire personnelle, et non politique. Cet homme, plein du désir de rassembler les Français, voyait dans le fait de mettre les religions dans l’espace public une source de division plus qu’autre chose.
Dans le «â¯nouveau monde⯻, où la religion est loin d’être partagée, et où le christianisme est minoritaire, il est devenu nécessaire de rappeler ces racines, et de dire son rôle, à l’heure où d’autres religions revendiquent également une dimension sociale. Il est intéressant de voir combien une certaine présence religieuse est aujourd’hui encouragée par des hommes politiques inquiets pour le vivre ensemble, dans une société multireligieuse, et multiculturelle. Dans une France chrétienne cela ne s’imposait pas, c’était implicite. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Nicolas Sarkozy va le comprendre très vite, que ce soit avec le catholicisme, ou l’islam.
Non sans céder parfois à la tentation de récupération religieuse. Emmanuel Macron est lui aussi conscient de la nécessité de reconnaître ce rôle, quand il dit aux Bernadins «â¯qu’une Église prétendant se désintéresser des questions temporelles n’irait pas au bout de sa vocation⯻. François Hollande était bien plus proche, de ce point de vue, de la vision très laïque de Jacques Chirac. Comme président de la République, il fut mal à l’aise avec le fait religieux. Ce n’est qu’avec l’assassinat du Père Hamel qu’il comprend tout l’intérêt à faire de la place aux religions dans la République, pour éviter les fanatismes de tout bord.
Quoi qu’il en soit de ces différences, cela n’empêche nullement l’Église catholique, elle, de prier pour les dirigeants politiques. Et cela en vertu d’une tradition vieille de près de 2000 ans, si l’on en croit cette lettre de saint Paul à Timothée, qui sera lu tout à l’heure, lors des funérailles de l’ancien président. «â¯J’insiste, écrit Paul, avant tout pour qu’on fasse des prières de demande, d’intercession et d’action de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d’État et tous ceux qui ont des responsabilités, afin que nous puissions mener notre vie dans le calme et la sécurité, en hommes religieux et sérieux⯻.
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