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Jacques Delors : figure de la construction européenne est mort

Un article rédigé par Jean-Baptiste Labeur avec AFP - RCF, le 27 décembre 2023 - Modifié le 28 décembre 2023

Inclassable et iconoclaste, Jacques Delors est décédé mercredi 27 décembre à l'âge de 98 ans. Souvent situé à contre-courant dans la vie politique française, il restera avant tout l'homme de la construction européenne à laquelle il était profondément attaché.

Jacques Delors en 1993/ Union Européenne/Hans LucasJacques Delors en 1993/ Union Européenne/Hans Lucas

Un militant chrétien

L'ancien président de la Commission européenne et figure de la gauche française, Jacques Delors, est décédé ce mercredi à 98 ans. Né à Paris le 20 juillet 1925 dans un milieu simple, Jacques Delors était passé du patronage de paroisse à la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), à laquelle il reste lié toute sa vie. Après la Seconde Guerre mondiale, il intègre la Banque de France. Très vite, il adhère à la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) puis participe à la déconfessionnalisation du syndicat, qui donne naissance à la CFDT. 

"Le constat des injustices et ma foi chrétienne m'ont amené à militer", expliquait-il, en soulignant pour autant qu'il ne "portait pas son catholicisme en bandoulière".

Le constat des injustices et ma foi chrétienne m'ont amené à militer

De Chaban-Delmas à Mitterrand

Admirateur de Pierre Mendès France, il avait attendu 1974 et l'âge de 49 ans pour s'encarter au PS avec l'espoir "d'être utile". Deux ans, plus tôt, il était encore conseiller du Premier ministre gaulliste Jacques Chaban-Delmas. Du gaullisme social avec Chaban-Delmas à l'union de la gauche, puis au social-réalisme aux côtés de François Mitterrand, Jacques Delors a  tracé les contours d'une deuxième, voire troisième gauche française. Mitterrand, élu à l'Elysée en 1981, l'appela d'abord pour être son ministre de l'Economie, jusqu'en 1984. Il imposa alors le "tournant de la rigueur."

À Bruxelles, Delors gagne une stature historique

Nommé en 1985 président de la Commission européenne avec l'adoubement de Mitterrand et du chancelier allemand Kohl, il va rester neuf ans à la tête de l'institution. Son action et sa vision du continent comme une "fédération d'Etats-nations" lui valent d'être comparé aux pères fondateurs de l'Europe d'après-guerre. Sa grande œuvre, sera le marché unique mis en place en 1992. Sous sa présidence, il lance le chantier de l'Union économique et monétaire qui aboutira  à la création de l'Euro. Passionné par les questions d'éducation, il conçoit aussi le programme Erasmus pour les étudiants européens. 

"Il a réussi à laisser une empreinte européenne durable qui est notre quotidien à tous et qui lui survivra" souligne Sébastien Maillard, ex directeur de l’Institut Jacques Delors. "C’était l’homme politique avec un P majuscule. Un serviteur qui plaçait l’intérêt général au-dessus de tout. Une leçon de probité".

1994, l'année du renoncement 

À l'automne 1994, les sondages le donnent vainqueur de la présidentielle prévue au printemps 1995. Mais il renonce en direct à la télévision, à 7 sur 7, devant quelque 13 millions de téléspectateurs, convaincu qu'il ne disposerait pas d'une majorité pour mener les réformes qu'il jugeait indispensables.

"Le modèle "Dolorien" n’était pas importable en France", confiait-il dans Face aux Chrétiens en 2002 sur RCF. "Fallait il que je raconte des histoires incroyables aux Français ? Pour faire ensuite l’inverse de ce que j'aurai promis? Ça ça tue la démocratie. Je ne voulais pas être l’homme qui contribue à cela". Pour Jacques Delors "une société, bouge, innove". "La politique est là pour capter cela, Mais rien ne remplace ce que l’on peut faire par la démocratie du bas et par le dialogue social" expliquait-il toujours en 2002.

Des combats en simple militant

Après 1995, c'est en simple militant que Jacques Delors avait poursuivi ses combats. Avec ses centres de réflexion, dont l'institut qui porte son nom. Il plaide jusqu'au bout pour un renforcement du fédéralisme européen et appelle à davantage d'"audace" à l'heure du Brexit et des attaques de "populistes de tout acabit". "Le manque de solidarité fait courir un danger mortel à l'Union européenne", avait-il averti en pleine pandémie de Covid.

Une pluie d'hommages

La disparition de Jacques Delors est saluée par une pluie d’hommage venue de toute l’Europe. Le président de la République Emmanuel Macron a rendu hommage à "l'inépuisable artisan de notre Europe" : "son engagement, son idéal et sa droiture nous inspireront toujours". Ce fut "un visionnaire qui a rendu notre Europe plus forte" a réagi sur X, l'actuelle présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. Le chancelier allemand Olaf Scholz a lui salué un "architecte de l'UE telle que nous la connaissons aujourd'hui".

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