Requiem pour mon ami !
Ce vendredi matin, mon grand ami, Thierry, s'en est allé par le chemin qu'emprunte tout homme, un jour ou l'autre. Depuis, je me promène l'esprit à la dérive et le cœur désespéré. A rassembler tous les souvenirs qui remontent à ma mémoire, je n'aurais pas assez de tout un livre - et encore - pour écrire tout ce que j'ai envie de vous partager. Je suis, un peu, comme Elise Wiesel qui, un jour, s'est mis à écrire pour apaiser sa mémoire. Car cela fait plus de cinquante ans que nous nous sommes croisés. C'était en 1969, au petit séminaire de Floreffe, quand nous entrions en humanité, en sixième, comme on disait en ce temps-là. De suite, nous sommes devenus amis, parce que le football, déjà, et plus encore le Standard, nous faisait rejouer - = commenter - les matchs, tous les dimanches soirs. Six belles années que nous ne pouvons oublier, tant notre jeunesse a été agrémentée de projets et de moments de bonheur. A Floreffe, nous y avons rencontré Louis Dubois, le supérieur. Il est devenu un grand ami à tous deux, jusqu'à sa mort. Dans sa manière de nous raconter l'évangile, il a été à la base de notre vocation de prêtre. Ses perles de commentaires, le dimanche matin à la messe radio à la RTBF, restent de grand actualité.
Plus tard, nous sous sommes retrouvés au grand séminaire de Namur. Encore là, ce fut six années d'amitié. Même si le temps du service militaire obligatoire, il choisit d'aller vivre deux ans, au collège saint André de Kigali, au Rwanda. A l'époque, les courriels n'existaient pas. Alors, nous nous écrivions, plus ou moins, une fois tous les mois. Je me souviens de cette anecdote. Revenu en Belgique, il avait gardé des contacts là-bas. Il avait promis à un ami d'envoyer, par la poste, un fromage de Herve. Je ne vous dis pas la tête du postier, humant l'odeur du 'puant'. En partie et pour toujours, son cœur a gardé une attache là-bas, au point que, presque tous les ans, des communautés religieuses africaines l'invitaient à venir donner de cours de théologie.
Une autre anecdote, de notre temps de séminaire. Le président de l'époque nous convoque, un jeudi matin, pour lui livrer une explication :
- Je ne vous ai pas vu à la messe, hier soir !
Le plus audacieux d'entre nous de lui répondre :
- Nous avons été voir un match du Standard, à Bruges !
- Pensez-vous que faire 200 kilomètres pour un match de football, ce soit compatible avec le Carême ?
Nous n'avions vraiment jamais pensé à cela. Quand nous avons osé lui révéler que nous avions été embarqués dans l'aventure par des professeurs du séminaire, alors nous n'avons plus entendu qu'un borborygme du style : "Oh ! oh ! Oh ! Oh !". Sûrement, une chose pareille lui paraissait complètement impossible !
Après nos études, nos chemins ont bifurqué. Lui est devenu professeur de théologie ; moi, simple vicaire de campagne. Mais il ne s'est jamais pris pour ce qu'il n'était pas. Non jamais ! Son plus grand bonheur était de nous rassembler, prêtres et laïcs, pour une semaine de recherche théologique, qui nous donnait de réfléchir aux grands enjeux du moment. C'était à Ottrott, en Alsace. Certains pensaient, bien sûr, que nous y allions approfondir la qualité des produits de la vigne. Je vous certifie que la semaine était des plus sérieuse avec, le plus souvent, des professeurs de l'université de Namur. Même si, je dois le reconnaître, nous prenions le temps de goûter, quelque peu, un bon cru régional. Toujours avec modération, bien sûr !
Le dernier de nos projets fut de travailler, ensemble, à la dynamique de RCF Sud Belgique. Avec le Père jésuite Philippe ROBERT, nous allions aborder le dernier le dernier livre du pape François. Il nous avait fait apprécier Laudato Si, son précédent ouvrage, qui fut de grande interpellation, il y a cinq ans. Il se réjouissait avec nous de présenter, dans les détails, l'esprit de "Tous frères", Fratelli Tutti.
Thierry, tu nous laisses sur le chemin de notre pèlerinage, ici su terre. Tu es parti, ainsi, sans faire de bruit. Evidemment, je suis sûr que tu ne voulais nous faire de mal, surtout à tes plus grands amis. Pourtant, je voudrais encore te redire combien tu étais un homme d'espoir et de fidélité, pour beaucoup d'entre nous ; à commencer par ceux et celles qui t'aimaient, vraiment beaucoup ! Oui, aujourd'hui et pour toujours, le 23 octobre restera un jour de malheur.
Adieu, vieil ami ! Je crois qu'un jour nous nous retrouverons, au grand rassemblement des gens qui ne meurent plus. Mais, il est beaucoup trop tôt pout toi de nous quitter. Je pleure en t'écrivant. Je te le promets : nous poursuivrons l'œuvre, entamée ensemble. De là, auprès du Père, ne nous oublie pas ! Parle-lui de nous, encore et toujours sur cette terre. Nous avons encore tant besoin de solidaires, comme toi.
Pour apaiser mon cœur, je reprends le psaume 129, mis en wallon, par André Henin... et un peu à ma mode :
Je suis éprouvé jusqu'à la limite.
Ecoute-moi, Seigneur ! Ecoute !
Bousculé, écrasé, sans dessus - dessous.
Je ne sais plus.
Ne bouchez pas vos oreilles
Quand j'arriverai près de vous
Avec la pesante besace au dos,
comme jamais portée !
J'attendrai tant qu'il faudra
Sûr que Vous m'attendez
comme une veilleur attend le lever du soleil
derrière ses volets !
Quant Vous m'ouvrirez vos bras,
et apaiserez mes peines
Sur votre cœur, je rependrai haleine
et je revivrai !
Un tout grand merci, Thierry !
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