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Voici la traduction:
Nous sommes le 9 novembre. Je rentre à Meux. Les fermiers de Haute Hesbaye sont toujours occupés aux travaux des champs. Ils arrachent les pommes de terre. Depuis très longtemps, ils n'ont jamais été aussi tardifs. Pour quelle raison ? Vous devez vous en souvenir. L'été a été fort sec, cette année, et pour arracher les pommes de terre, afin de les garder jusqu'au mois de juillet de l'an prochain, il est heureux qu'il pleuve. Sinon, ils seront trop abîmés et ne se conserveront pas bien. Mais voilà, à la fin du mois de septembre, il s'est mis à pleuvoir abondamment. Plus moyen d'entrer sur les terres, et ce jusqu'après la Toussaint ! Voilà la raison pour laquelle les tracteurs et leurs gros engins d'arrachage étaient aussi tardifs dans les campagnes.
Ce que j'ai vu là, m'a fait souvenir au temps de mes vieux parents. A la ferme, à Meux, on ne cultivait pas que des betteraves. Depuis plus d'une génération, ma famille a planté des pommes de terre.
A la fin du mois de février, ou début mars, mon papa achetait des plants. Il avait bien gardé certaines petites pommes de terre de la récolte précédente, mais disait-il : "Il faut bien en acheter de nouveaux, car les plus vieux pourraient tourner à rien ! "
Dans un grenier débarrassé de ses pailles, on laissait germer ces plants-là. Une semaine avant d'aller les enfouir dans la terre, nous coupions les plus gros en deux, faisant attention à ne pas détruire les germes. La terre, une fois préparée et par une belle journée, même s'il pouvait faire bien frais, nous les allions les planter à plusieurs. Avec un soc, mon papa creusait un sillon. Les femmes et nous, ses fils, nous suivions avec les plants dans une manne et en mettions un tous les trente centimètres. Quand la ligne était terminée, papa revenait avec la machine, pour les recouvrir. A travailler ainsi à la main, nous ne pouvions réaliser que peu d'ares, tout au plus un hectare ou deux. Assez tout de même afin de servir les gens du village et des environs, une fois, chaque année, au mois d'octobre.
Voyez que tout change ! Aujourd'hui mon frère en met dix-sept hectares, et il peut servir des pommes de terre tout l'année.
Dès que les premières feuilles apparaissaient, papa allait buter les pommes de terre. Plus tard, il passait chaque semaine pour voir si elles n'avaient pas attraper le mildiou ou n'étaient pas envahies par des doryphores. Si tel était le cas, il devait les pulvériser, pour ne pas perdre la récolte et se retrouver avec une année qui ne rapportait que peu.
Les jours d'arrachage étaient jours de fête. A une vingtaine, nous nous retrouvions dans les champs. Papa arrachait une ligne de pommes de terre avec un machine, tirée par un cheval. Ce n'est que bien plus tard que l'on arracha avec un tracteur. Tous les quinze à vingt mètres, des personnes les ramassaient dans des mannes et les vidaient dans des sacs de jute. A la fin de la journée, nous les chargions sur une remorque, pour les ramener à la ferme. Le meilleur moment de la journée était le temps du dîner. On s'arrêtait pour prendre son repas, mais surtout pour fraterniser, pour palabrer ou raconter une histoire ou l'autre.
J'en ai entendu plus d'un qui n'aurait manqué pour rien au monde ces jours-là. Il y en a même qui prenaient leurs jours de congés pour la circonstance ; parfois, toute une semaine et même plus.
La fin du mois de septembre voyait arriver, à la ferme, un vieux couple : mes grands-parents Aloïs et Emilie. On pourrait dire qu'ils venaient prendre leurs congés à Meux. Mais, ce n'était pas pour se reposer. Le bonheur de mon grand-père était de trier les pommes de terre ; puis, de les livrer, avec mon papa jusque dans les caves des clients, qui les avaient commandés.
Avec les pommes de terre vertes, et celles qui étaient abîmées, se réalisait de la nourriture pour les porcs. Dans un chaudron, où elles étaient en train de cuire, ma grand-mère venait sélectionner les plus belles et, avec elles, elle nous apprêtait une sorte de soupe que l'on appelait, en vieux flamand, du "Tautches pape", une soupe aux pommes de terre. Nous mangions cela avec un sauret fumé. C'est à ne pas croire, mais c'était, pour nous, un vrai festin de roi.
L'homme - mon grand-père, donc - qui avait dit à son fils qu'à force de travail, il trouverait son bonheur dans une petite ferme du nord de Namur, ne s'était pas vraiment pas trompé !
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