Il y a deux ans le Rapport Sauvé venait bouleverser l’église catholique et au-delà. Depuis, quelles sont les avancées, les réponses sur la lutte contre la pédocriminalité ?
Trop peu nombreuses pour Arnaud Gallais, victime dans son enfance et membre de la CIIVISE (Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants).
Il a créé Mouv'Enfants, un mouvement de démocratie participative partant du constat que la volonté politique manque pour lutter contre la pédocriminalité.
Dans un tour de France, la caravane Mouv’Enfant fait un stop à Strasbourg ce vendredi 20 octobre, de 9h à 16h, Salle 10 du Palais de l'Europe, avenue de l'Europe à Strasbourg, un évènement ouvert à tous.
RCF Alsace : On parle beaucoup de démocratie participative en ce moment de référendum. Quel est le principe d'une démocratie participative quand on parle ou quand on veut parler de la lutte contre la pédocriminalité?
Arnaud Gallais : Le principe est le suivant : partir du principe que beaucoup de gens, finalement sont concernés. En réalité, c'est très complexe, c'est à dire qu'il y a une dimension culturelle et pour venir interroger la culture, il faut tout simplement le mettre en débat public. Et c'est toute l'idée en fait de tout ça, c'est de se dire qu'il faut arrêter de se culpabiliser aussi par rapport à ça. On est en démocratie, des solutions peuvent être trouvées et on peut demander aussi évidemment à ce qu'il y ait une volonté politique. D'où l'intérêt d'aller vers et les victimes parce qu'il y aura des victimes effectivement qui seront présentes à Strasbourg et des expertes et experts de tous les secteurs, que ce soit la gendarmerie, la justice, l'enseignement. Et on aura même à Strasbourg, parce que vous savez que c'est la ville ouverte sur l'Europe, et bien on aura même des ambassadeurs et ambassadrices qui seront présentes à cette occasion à travers.
RCF Alsace : Cette démarche de caravane et cette démarche d'aller vers. Qu'est ce que veut dire cette démarche? D'aller vers les gens, que ce soit vers le public, vers les professionnels? Est ce que ça veut dire que le public ne va plus vers les associations, ne va plus vers les autorités judiciaires pour parler de ça?
Arnaud Gallais : Je pense que c'est essentiel effectivement, d'être dans une démarche, d'aller vers pour les raisons que vous évoquez, en disant qu'il y a la nécessité plutôt que les gens viennent aux institutions d'aller vers les personnes. Et puis au delà de ça, pour moi, ce qui est essentiel, voyez, je suis membre de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE ndlr), et je me rends bien compte, même si on a fait certaines étapes dans certaines villes, avec l'enjeu est de libérer la parole, de recueillir des témoignages.
Je pense qu'il faut même aller beaucoup plus loin et valoriser aussi des champs de l'expertise et voir avec les experts sur le terrain quels sont leurs besoins. Et ce qui est essentiel en fait là dedans, c'est de se dire qu'il y a une vraie disparités territoriales, c'est à dire qu'on n'est pas victime de la même manière à Strasbourg qu'à Paris, qu'à Cayenne par exemple, où j'étais en Guyane il y a peu de temps, qu'à Mayotte où je vais aller au mois de décembre. Et pour moi, ça c'est essentiel. C'est à dire que ce que, selon , le rapport de la commission indépendante sur les violences sexuelles, qui sera remis au Président de la République le 20 novembre prochain, ne rendra pas compte, c'est cette disparité territoriale. Et pourtant, c'est bien sur le terrain. Les experts le savent bien qu'il y a déjà des différences, ne serait-ce qu'entre le monde rural et le monde urbain.. Et puis, en fonction des territoires, malheureusement, on n'est pas français de la même manière partout. Et ça, je pense que c'est essentiel quand on parle de ce sujet là. D'où la question de démocratie participative pour rendre compte aussi faire un état des lieux et voir quelles sont les propositions des expertes et expertes sur le sur le terrain.
RCF Alsace : Après ce Tour de France, il va y avoir un compte rendu qui va être aussi remis. Quelle serait une ou deux revendications que vous avez au niveau des pouvoirs politiques? On l'a compris aussi au niveau du pouvoir judiciaire du ministère de la Justice..
Arnaud Gallais : Ce sera le rapport de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, donc le 20 novembre. Et puis l'aboutissement de la caravane qui se terminera en comment dire, au terme des 50 villes qui seront visitées, qui se termine, qui se terminera en mai 2000 2024. L'idée, c'est un livre blanc. Écoutez, parmi les recommandations, on voit bien quand même qui se dessine. Il y a un besoin de moyens pour de la prévention obligatoire dans tous les lieux qui accueillent des enfants. Et on voit bien qu'aujourd'hui cette question d'obligation de résultat, finalement, n'est pas encore à la hauteur des enjeux et à la hauteur des enfants. Je rappelle qu'il y a quand même 160 000 enfants victimes chaque année de violences sexuelles et qu'on compte 10 % de la population française victimes de violences sexuelles. Donc ça, c'est quand même quelque chose qui doit nous alerter. On demande également de manière assez claire qu'il y ait une formation qui soit obligatoire. Vous voyez, je participe moi même, je forme certains gendarmes, notamment à la gendarmerie nationale, et il faut savoir que ces formations ne sont pas obligatoires au niveau des gendarmes. Nous, ce qu'on demande de manière très claire, c'est que tous les acteurs, toutes les personnes qui sensiblement peuvent être au contact des enfants, soient obligatoirement formés et que ce ne soit pas uniquement parce que on est, comment dire, on a envie de l'être, etc.
Il faut changer de cap. Est ce qu'on demande également c'est qu'on soit en capacité d'avoir des soins adaptés pour les victimes par des soins psycho trauma. Or, aujourd'hui, on voit bien que là aussi, le bât blesse, notamment au niveau de la couverture du territoire, au niveau de l'accès aux soins. Et ça, c'est pas possible. C'est un engagement de la France qui avait été pris au niveau de la Convention d'Istanbul. Il s'agit ni plus ni moins que la France applique ce à quoi elle s'est engagée il y a plusieurs années. On demande également une réforme importante au niveau de la justice, comme d'autres ont pu le faire, d'autres pays comme la Belgique, comme l'Angleterre, etc. Pourquoi? Parce qu'on se rend bien compte aujourd'hui que ce qui ressort aussi, c'est qu'il y a une forme d'impunité liée, notamment de manière massive, à des classements sans suite. On parle de 73 %, 73 % par an de classement sans suite pour des victimes, pour des enfants victimes de viol. Et là on se dit que c'est plus possible. C'est à dire qu'à un moment donné, la réponse aussi, ça passe aussi par le judiciaire et donc par une amélioration des techniques d'enquête. Puisqu'en réalité, au-delà de la question de la prescription sur laquelle il faut avoir une vraie réflexion, il y a aussi une manière dont les faits sont caractérisés.
RCF Alsace : Merci beaucoup Arnaud Gallais donc pour toutes ces précisions.
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