C’était la grande nouveauté de la communication conjointe de la Commission européenne et de la Haute Représentante, l’italienne Federica Mogherini, qui est une sorte de Ministre des Affaires étrangères de l’Union : la Chine était qualifiée de “rival systémique” pour l’Europe. De nombreux observateurs ont abondamment souligné l’emploi de cette expression inhabituelle dans un document officiel de l’Union et s’en sont bien souvent félicités. Enfin l’Union européenne cessait d’être naïve vis-à-vis de la Chine ! Enfin, les Européens prenaient conscience des risques et des dangers de la stratégie hégémonique de la Chine au niveau mondial.
Certes c'est indéniable que la Chine est un compétiteur féroce, notamment dans le domaine technologique, qui ne respecte pas les engagements d’ouverture de son marché aux entreprises européennes. Et, ces questions doivent rester centrales dans notre rapport à nos partenaires chinois.
Par ailleurs, il est clair que le modèle de gouvernance mondiale, que souhaite promouvoir la Chine, fait d’elle un rival systémique. Les nouvelles routes de la Soie sont, en effet, bien plus qu’une simple politique commerciale. C’est une véritable alternative aux règles et aux institutions de la mondialisation libérale que se propose de construire la Chine avec ces Routes de la Soie. Celles-ci peuvent menacer jusqu’à l'intégrité de l’Union européenne lorsque la Chine tente de diviser les Européens.
Mais ces mêmes observateurs qui se réjouissent à raison de cette prise de conscience oublient généralement le contexte de cette expression et offre une vision tronquée de la relation à construire avec les Chinois. Les mots de la Communication sont les suivants : “la Chine est, dans différents domaines stratégiques, un partenaire de coopération avec lequel l’UE partage des objectifs étroitement intégrés, un partenaire de négociation avec lequel l’UE doit trouver un juste équilibre sur le plan des intérêts, un concurrent économique dans la course à la domination technologique et un rival systémique dans la promotion d’autres modèles de gouvernance”.
Dans un monde complexe où les enjeux sont liés entre eux, où les Etats-Unis redéfinissent également leurs intérêts et leurs alliances, les Chinois ne seront pas l’URSS d’une nouvelle Guerre Froide. L’Europe doit redéfinir ses relations avec la Chine à l’aune de ses intérêts et ambitions stratégiques. Sur les questions du climat ou de la réforme du multilatéralisme, les Chinois peuvent très certainement être des alliés face à l’Amérique de Trump, par exemple.
La pire des erreurs serait, selon moi, de s’enfermer dans une posture uniquement défensive. Il serait contreproductif, par exemple, de prendre parti dans le conflit commercial sino-américain. Finalement face à la Chine, l’Europe doit être "ouverte mais pas désarmée".
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