Prenons-en acte : il n’est pas facile de faire coïncider des projets de reprise économique et de préserver des engagements en faveur de l’environnement. Le mantra "croissance verte" se heurte aux réserves des investisseurs. Et pour sentir les effets d’une réorientation de la logique économique classique, il faudra évidemment un peu de temps.
Mais Emmanuel Macron, en prenant un certain nombre d’engagements, à l’issue de la Convention citoyenne pour le climat savait tout cela. Une prudence élémentaire aurait dû le conduire à ne pas faire de promesses qu’il aurait du mal à tenir en période de crise sanitaire. Sauf à faire l’hypothèse d’un certain cynisme, tout cela reste assez incompréhensible de la part du chef de l’Etat.
Le 29 juin dernier, recevant à l’Elysée, les 150 citoyens de la Convention sur le climat, le président de la République n’avait rejeté que trois propositions sur les 149 portées par leur rapport. Pour mémoire : la limitation de la vitesse à 110km/h sur les autoroutes, la taxe sur les dividendes et la modification du préambule de la Constitution avaient été repoussés. Ces trois "jokers" présidentiels impliquaient en creux l’acceptation des 146 autres propositions.
Il y a désormais très loin de la coupe aux lèvres : depuis ces engagements présidentiels, une série de décisions sont venues démentir les promesses. Les plus récentes portent sur la dérogation autorisant le recours aux néonicotinoïdes tueurs d’abeilles pour la culture de la betterave sucrière. Même confusion sur le glyphosate, censé être banni dès novembre 2001.
On sent bien la difficulté pour le président de la République d’ancrer dans sa réflexion ces nouveaux défis environnementaux. À ceux qui réclamaient un moratoire pour le déploiement de la 5G, comme l’avait demandé la Convention citoyenne, Emmanuel Macron a répondu par un refus, augmenté d’une bonne dose de mépris pour le "modèle amish" ou le souhait de "revenir à la lampe à huile".
Même retour sur d’autres engagements pris comme la fin des liaisons aériennes pour les trajets faisables en train en mois de quatre heures ou l’interdiction de la construction de nouveaux aéroports et l’extension de ceux qui existent, la baisse de la TVA sur les billets de train (qui rencontre l’hostilité de Bruno Le Maire), la création d’un crime d’écocide, la régulation de la publicité sur les produits très polluants, la création d’un critère de poids dans le malus écologique pour les automobiles ou l’augmentation de l’"éco-contribution" du transport aérien. Il est fort probable que cette liste s’allongera encore avec le temps sous la pression de divers lobbies.
Pour contenir les critiques, l’exécutif tente de rassurer, en évitant de donner l’impression qu’il emploie son énergie à vider les propositions de la Convention de leur substance. Mais il lui faudra en faire un peu plus pour convaincre de son investissement dans la défense de l’environnement.
Emmanuel Macron devra par ailleurs prendre garde à ne pas condamner à plus long terme les conventions citoyennes – un progrès dans l’instillation d‘une part de démocratie participative – quand leurs propositions sont aussi méthodiquement contournées.
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