La photo est verticale. Un format que connaissent bien les utilisateurs de smartphones que nous sommes. Mais pas les photographes professionnels, qui lui préfèrent le format horizontal, qui correspond au fond à notre champ de vision. Cette photo, c’est pourtant une photo de journaliste. Pas n’importe lequel. Louai Beshara travaille pour l’Agence France Presse (AFP). Il a choisi de faire ce format, pour faire correspondre son cadrage au cadre de la fenêtre, ne laissant que quelques centimètres de chaque côté. Car cette photo c’est d’abord cela : l’encadrement d’une fenêtre qui n’est plus là. Cela nous permet de comprendre en un clin d’œil que nous sommes à l’intérieur d’un bâtiment. Et qu’il est en ruine.
Nous sommes en Syrie, dans le quartier palestinien de la ville de Damas. À Yarmuk. Les parents de la fillette sur la photo ont dû le fuir en 2012 lors d’affrontements entre l’armée syrienne libre et des groupes militaires appuyés par l’armée syrienne. Ensuite, les membres de l’état islamique l’ont envahi. L’armée syrienne les en a chassé en 2018. Après huit années d’exils, ses parents viennent de recevoir l’autorisation d’y revenir.
Il faut décrire la photo. Tout en bas, on voit une fillette de dos. On ne voit que sa tête, ses deux tresses, deux nattes retenues par des nœuds papillon. C’est une enfant. Elle regarde vers le lointain. Devant elle, un mur troué, une ouverture où devait se tenir une fenêtre. Et cette ouverture donne sur une ruelle jonchée d’ordures et de gravas. La perspective de la ruelle file vers un point de fuite au centre de l’image, qui mène notre regard le long de façades sans fenêtres, où toutes les habitations du quartier sont plus ou moins dans le même état. Le symbole est là : la vie de cette fillette n’est qu’un champ de ruine.
Comme c’est une enfant, elle représente l’avenir. Comme elle regarde vers le haut, elle est auréolée d’un rayon de lumière. Elle regarde le soleil, source de vie. Et puis le ciel est bleu, lumineux, porteur d’espoir lui aussi. C’est une photo d’actu, mais cela pourrait être une photo de Noël. On a pour cette fillette l’espoir d’une vie meilleure. Je l’ai choisie ce matin, car elle est aussi pour nous, l’espérance d’une naissance qui rende les semaines et les mois à venir un peu plus joyeux.
Chaque vendredi dans la Matinale RCF, David Groison commente une photo de presse.
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