Un homme seul fait face à une cinquantaine de journalistes. Le rapport de force est imposant. Disproportionné. Le patron des jeux olympiques de Tokyode 2020 est au centre de l’image, mais il est cerné de toutes parts par des journalistes. Sur sa droite, sur sa gauche, des hommes et des femmes en costume, bloc note et stylo à la main, consignent ses déclarations. Devant lui, remplissant toute la moitié basse de l’image, une horde de caméras, d’appareils photos et d’imposants micros au bout de longues perches. On ne sait pas ce qu’il a fait, mais on a immédiatement de la sympathie pour cet homme là.
Oui, c’est le seul homme aux cheveux blancs de l’image. Les autres sont tous bruns, enfin non, il y a un journaliste châtain… Mais ils sont tous plus jeunes que cet homme de 71 ans, au costume élégant. Il est en posture d’humilité. Les mains noués devant lui, comme en signe de repentance. Et vous avez noté Stéphanie, où se situe le photographe ?
Oui, au milieu des autres, mais en hauteur. C’est une photo prise en contre-plongée. Et c’est une des petites règles de la composition d’image. Une photo en contre-plongée, ça écrase le sujet. Le photographe prend de la hauteur et regarde la situation avec surplomb, comme un adulte regarde un enfant. On a alors forcément un petit sentiment de supériorité en regardant son image. C’est l’inverse d’une photo prise en plongée, quand le photographe met un genou à terre et tend son objectif vers le haut, comme un enfant regarde un adulte : la photo magnifie alors son sujet. En se positionnant au dessus de la mêlée, le photographe renforce ici la sensation d’acculement du patron japonais.
Carrément Stéphanie. Vous avez très bien vu. Il est dressé devant un mur de lambris, du bois qui part du sol au plafond : il n’a aucun échappatoire. Des journalistes tout autour, et derrière un mur infranchissable. C’est évidemment ce qui rend cette conférence de presse particulièrement étouffante.
Sunekazu Takeda est accusé de corruptions actives, d’avoir autorisé des versements de pots de vin à des pays africains pour qu’ils votent pour le Japon – 1,8 millions pour la famille du membre sénégalais notamment. "Je regrette d’avoir causé autant d’ennuis', a a-t-il déclaré devant la presse japonaise ce 19 mars. C’est effectivement problématique… J’ai le temps d’ajouter une dernière chose, Stéphanie ?
Ce qui est intéressant dans cette photo aussi, c’est de prendre le temps de regarder chaque journaliste. Il y a celle qui prend des notes avec un masque sur la bouche : elle doit avoir un rhume et veut protéger ses collègues de ses microbes. Il y a ceux qui filment avec des grosses caméras, ceux qui prennent des gros plans au télé-objectifs, ceux qui ont laissé leur iphone sur une table basse pour enregistrer le son, ceux qui prennent des notes au stylo… Autant de façons très différentes de faire un métier qui est aussi le nôtre – journaliste. Et que les élèves découvrent cette semaine à l’occasion de la Semaine de la presse et des médias à l’école. Des centaines d’ateliers ont lieu dans les collèges, les écoles, les lycées. D’ailleurs, je file moi recevoir des lycéens au sein de Phosphore toute la journée. 400 jeunes viennent à Bayard, chez Astrapi, J’aime lire, I love English, Okapi, ça va mettre de l’animation dans les couloirs.
Chaque vendredi dans la Matinale RCF, David Groison commente une photo de presse.
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