C’est, en effet, un accord historique entre la France et l’Allemagne et surtout une avancée spectaculaire de celle-ci sur un sujet sur lequel elle avait toujours freiné : la mutualisation des dettes. Pour autant, nous sommes bien loin, dans le texte présenté lundi, des coronabonds demandés par les Italiens. C’est ici la Commission européenne qui sera responsable de lever la dette commune mais également de la dépenser. Cette distinction peut paraitre technique mais elle est fondamentale car elle détermine l’acceptabilité politique de la proposition mais parce qu’elle constitue aussi l’amorce d’une politique économique commune. Par ailleurs, le plan de relance proposé représenterait un doublement du budget de l’UE, sur 3 ans, et un triplement du Plan Marshall qui avait permis la reconstruction de l’Europe de l’Ouest en 1947. Mais cet accord historique n’est, pour l’heure, qu’une proposition. C’est à la Commission qu’il revient de présenter une proposition de plan de relance aux 27. Cet accord sera donc l’objet de nombreuses négociations.
Au-delà de l’Allemagne, un certain nombre de pays du Nord de l’Europe avait exprimé leurs réticences à l’égard des coronabonds. La proposition franco-allemande permet-elle de dépasser cette opposition ? D’une part, l’accord franco-allemand sera d’autant plus facile à accepter par les 4 Frugaux (ces pays qui prônent la rigueur budgétaire) s’ils ont été consultés au préalable, ce que semble avoir fait l’Allemagne. D’autre part, tout dépendra de la capacité de la Commission à faire preuve de leadership politique pour créer un consensus. Celle-ci devra donc se détacher suffisamment de la proposition franco-allemande pour ne pas apparaître suspecte de protéger les intérêts des seuls « Gros » Etats. La Commission est, en effet, la gardienne de l’intérêt général de l’Union, non du couple franco-allemand.
De nombreux commentateurs ont souligné le caractère historique de cette proposition franco-allemande, qui serait une sorte de grand « bond en avant » du projet européen. Encore faut-il voir ce qu’il sortira des négociations à 27 et encore faut-il que nous dépensions cet argent à bon escient. Or, trois risques majeurs existent. Premier risque, saupoudrer ces investissements sur toute l’Europe. Il faut au contraire les concentrer sur les Etats et les régions qui ne peuvent pas investir. Deuxième risque, limiter ces investissements à de simples transferts. Il faut que ces investissements préparent la croissance de demain. Il nous faut donc une stratégie industrielle commune. Troisième risque, conditionner ces investissements à des cures d’austérité trop brutales qui ruineraient les efforts consentis. Si nous surmontons ces difficultés et si nous inscrivons ces efforts dans la durée, alors oui, l’Europe aura fait un grand bond en avant.
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