Après une adoption au Sénat en février 2023, l'Assemblée nationale a voté à son tour le 29 avril 2024 un texte qui reconnaît le génocide assyro-chaldéen lors de la Première Guerre mondiale, une reconnaissance dont la portée est grande. Les précisions d' Antoine Fleyfel, le directeur de l'Institut chrétien d'Orient au micro de Pauline de Torsiac.
C'est une demande portée depuis longtemps par la communauté assyro-chaldéenne. Le 29 avril 2024, l'Assemblée nationale a reconnu et condamné le génocide de cette communauté chrétienne originaire de Mésopotamie.
L’Assemblée Nationale a adopté le 29 avril dernier, à la majorité absolue, une résolution reconnaissant et condamnant le génocide des assyro-chaldéens. Antoine Fleyfel, le directeur de l'Institut chrétien d'Orient rappelle la spécificité de cette communauté originaire de Mésopotamie. “Cette église s'est développée à partir du IVe siècle en dehors de l'Empire romain. "C'est une église", précise t-il, "qui a des spécificités théologiques, liturgiques, spirituelles, au sein de l'Empire perse. Cette église a été dite nestorienne durant la plus grande partie de son histoire puisqu'elle a suivi Nestorius, le patriarche de Constantinople condamné par le concile d'Éphèse en 431. Puis, ajoute Antoine Fleyfel, “elle a connu, au XVIe siècle, en 1553, une division qui a créé une branche catholique. Aujourd'hui, les branches qui descendent de cette église sont les branches assyriennes, qui est non catholique, et la branche chaldéenne, qui est la version catholique de cette église. Deux communautés dont les racines se trouvent à la source du christianisme, puisque les communautés de Mésopotamie sont parmi les premières à avoir adopté comme communauté nationale la religion chrétienne à la fin du premier siècle.”
Ces chrétiens d'Orient ont été victimes d'une extermination de masse perpétrée par les Ottomans de 1915 à 1918. Au moins 300 000 Assyro-Chaldéens ont péri dans ce génocide. "Ces communautés vivaient dans l'espace ottoman," explique Antoine Fleyfel, "Cela correspond aujourd'hui à la Turquie mais aussi à certaines régions de l'Irak et de la Syrie." Le directeur de l’Institut chrétien d’Orient ajoute, “Les jeunes turcs qui avaient le pouvoir à l'époque dans l'Empire ottoman avaient une politique d'épuration ethnique car ils considéraient que le citoyen ottoman par excellence est le turc sunnite. Ils avaient comme projet de se débarrasser de ce qui ne ressemble pas à cet idéal. Les communautés chrétiennes”, explique Antoine Fleyfel, “ont été les premières à en faire les frais”. “Les Assyro-Chaldéens ont été sujets à un génocide, mais ils n'étaient pas les seuls. Pour les chrétiens, il y a quatre génocides qui ont eu lieu durant cette période. Le génocide arménien, le génocide assyro-chaldéen, le génocide grec pontique et le génocide ou la famine du Mont-Liban qui a eu raison du tiers de la population.
Ce génocide assyro-chaldéen s'inscrit dans un cadre plus large qui est celui d'une épuration ethnico-religieuse au sein de l'Empire ottoman. Elle a coûté la vie à plus de 2 millions de personnes. Pour la communauté assyro-chaldéenne, on parle d'au moins 300 000 morts.
Après une adoption au Sénat en février 2023, l'Assemblée nationale a voté à son tour le 29 avril 2024 un texte qui reconnaît le génocide assyro-chaldéen lors de la Première Guerre mondiale, une reconnaissance dont la portée est grande.
"Cette reconnaissance touche à la mémoire, avec un double sens", confie Antoine Fleyfel. "Il y a d’abord la mémoire blessée, la demande d'une réparation, d'une reconnaissance, d'une douleur vécue. Mais il y a aussi une portée actuelle", dit-t-il. "Car le génocide qui a eu lieu a été perpétré par des pensées exclusives fondées sur des identités nationalistes et religieuses fortes." Pour le directeur de l'Institut chrétien d'Orient, "Nous sommes face, depuis plusieurs années, à une montée de nationalisme, à une montée d'un sentiment religieux, mais pas dans le sens noble du terme, dans le sens terroriste, fanatique du terme, ce sont ces montées d'exclusivisme qui mènent au génocide." Pour Antoine Fleyfel, "cet exercice de mémoire doit être l'occasion de ne plus répéter les mêmes bêtises et faire que la paix, le dialogue et l'ouverture soient le moyen de résoudre les conflits."
Rappelons que la communauté des Assyro-Chaldéens, c'est un million et demi de personnes dans le monde. Une communauté qui, pour l'essentiel, vit en exil en Amérique du Nord, en Océanie et en Europe, dont 30 000 en France, essentiellement dans le Val d'Oise.
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