Pour paraphraser une citation célèbre de Lénine, je dirais que la crise du Covid-
19 est un accélérateur de l’Histoire.
C’est vrai au niveau géopolitique où le repli sur soi américain s’est accéléré
de même que le déclin du système multilatéral.
C’est vrai au niveau économique également tant au niveau des problèmes car la
crise à laquelle nous faisons face aujourd’hui couvait depuis plusieurs années
qu’au niveau des solutions puisque la démondialisation très relative à laquelle
nous assistons avait déjà été initié à la suite des tensions commerciales entre la
Chine et les Etats-Unis notamment.
Mais c’est vrai également au niveau démocratique, où la crise de confiance entre
les élites et les citoyens risque fort de s’amplifier profondément.
Alors, vous avez raison de souligner qu’aujourd’hui cette crise ne se voit pas dans les
sondages... en tout cas ailleurs qu’en France, où la défiance vis-à-vis du pouvoir
est extrêmement élevée. Mais, il y a fort à parier (c’est mon hypothèse en tout cas)
que ces taux de confiance relèvent plus du sursaut patriotique en temps de crise
extrême que d’un véritable soutien aux mesures prises.
Il y aura, me semble-t-il, un coût politique de l’impréparation de nos sociétés.
Car, le moins que l’on puisse dire c’est que les sociétés et les Etats européens
(mais pas seulement, voyez les Etats-Unis) n’étaient pas préparées pour faire
face à une pandémie. Or, les experts nous alertent depuis une dizaine d’années
sur le fait qu’une telle pandémie n’est pas probable mais inévitable. Ce grand
écart entre ces alertes et notre impréparation collective nourrit et nourrira la
défiance. Cette défiance existe déjà en France et se cristallise, par exemple, sur
la polémique autour des masques. Et, je ne vois pas pourquoi cette défiance
serait un apanage français. Cette impréparation de l’Etat mais aussi de nos
sociétés (car, souvenez-vous que la perspective d’être confiné pendant deux
mois chez nous était inenvisageable pour vous et moi il y a deux mois et demi)
témoigne de leur difficulté à se projeter au-delà du court-terme. Et, c’est ça qui
est terriblement dangereux.
J'avoquais la crise comme accélérateur de l’Histoire : c'est aussi le cas en Hongrie où la diète a voté
les pleins pouvoirs en mars dernier au premier ministre Orban ? Une conséquance à aussi
de la crise du Covid-19.
Pour l’ONG américaine Freedom House, la Hongrie
n’appartiendrait tout simplement plus une démocratie, mais un régime hybride
entre la démocratie et l’autocratie. La dégradation brutale (en 10 ans) de la
démocratie en Hongrie, pays qui est sorti relativement récemment de la
dictature communiste, est une alerte de plus sur la perte d’attraction des
démocraties européennes comme régime politique. Il serait peut-être temps de
se demander sérieusement pourquoi.
Chaque semaine, dans la Matinale RCF, une analyse politique de l'Union européenne et de ses grands enjeux.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !