Depuis la soirée des Césars, je suis stupéfait de voir sur les réseaux sociaux les réactions se départager en deux camps antagonistes. Ceux qui soutiennent Adèle Haenel, manifestant son indignation à la célébration de Polanski en sortant de la salle, et ceux qui crient au lynchage du cinéaste.
Je rappelle que je ne suis pas de ceux qui ont appelé au boycott de son dernier film consacré à l’affaire Dreyfus, film au demeurant assez académique, mais rappelant opportunément les ravages de l’antisémitisme. J’en ai même parlé à ce micro.
Mais la question des Césars est tout autre. Il s’agit d’une autocélébration de la profession du cinéma. Il ne s’agit ni du verdict du public qui va voir les films qu’il veut, ni de celui de la critique qui juge l’œuvre. En l’occurrence, la famille du cinéma français organise une fête, genre nouveaux riches où tout le monde se congratule et se célèbre, non sur des critères artistiques, mais en fonction d’un algorithme inconnu qui est un mix entre célébrité, renvoi d’ascenseur et politique interne. Dans ces conditions, donner à Polanski le César du meilleur réalisateur, s’avère être purement et simplement une provocation.
Ce qui m’a le plus frappé est que ceux qui ont choisi de célébrer Polanski n’ont pas pris garde au fait que dans l’assistance dressée sur son 31, il y avait des femmes qui ont subi des agressions sexuelles, des actrices, mais aussi, tout autour, des hôtesses qui ont vu Adèle Haenel sortir sans pouvoir l’applaudir et des serveuses versant du champagne à Fanny Ardant qui minaudait son amour pour Polanski. Comment ont-elles vécu cette humiliation supplémentaire ?
Ah oui, j’oubliais… Dans l’émission Répliques de l’excellent Alain Finkielkraut, excellent sauf sur ce genre de sujets, une psychanalyste, Sabine Prokhoris, nous ressortait samedi, à propos de Matzneff cette fois, l’argument éculé qu’une jeune fille de 14 ans n’est plus une enfant.
Alors je me suis dit, au sortir de ce week-end éprouvant qu’il n’y a qu’une raison à ce clivage entre les pro Adèle et les pro Polanski. Il y a ceux qui pensent que le fait qu’un homme de 40 ans viole une jeune fille de 13 ans est gravissime, et ceux qui pensent qu’au fond ce n’est pas si grave.
J’ai trois filles qui ont eu cet âge-là et je sais que si cela leur était arrivé, cela aurait été l’horreur absolue.
Au fond, tout cela est assez simple. Et infiniment triste.
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