JavaScript is required

Le chant de la colère

RCF,  - Modifié le 22 janvier 2019
Laurence Devillairs vous propose une réfléxion philosophique sur l'Europe.
podcast image par défaut

L’Europe est née dans la colère.
 
L’Europe n’est-elle pas née dans la paix, au contraire ?
 
Les premiers mots, les premières phrases du tout premier livre de la culture européenne sont ceux de l’Iliade d’Homère, et ce sont des cris de rage. Le livre commence en effet très précisément par le mot « colère », celle d’Achille qui refuse la mort injuste de son ami et compagnon d’armes, Patrocle. Ainsi commence l’Iliade, ainsi commença l’Europe.
 
Mais la culture n’est-elle pas, au contraire, ce qui évacue la colère ?
 
La culture, en effet, n’est rien d’autre que ce dispositif inventé pour faire barrage à la colère, pour l’endiguer, l’enrayer. Ou, à tout le moins, pour la transformer, la raffiner – la civiliser. La suite de l’histoire, vous avez raison, Stéphanie, est une vaste entreprise de domestication de la colère. Par l’apprentissage de la politesse, des règles de civilité, des codes de la vie en société, par l’éducation aussi. Tout devrait nous conduire à mettre la colère hors jeu, à la bannir de nos vies, de nos tempéraments, de nos familles, de nos patries, de nos rues et de nos avenues. La colère est ainsi l’ennemi numéro un de la philosophie, car le sage, le philosophe, est avant tout celui qui est capable de ne pas céder à la colère.
 
En religion, dans le christianisme, la colère est un péché capital…  
 
Et en politique, elle est toujours synonyme de désordre et de dissensions. Je n’irai pas jusqu’à faire l’éloge de la colère. Mais il reste que la colère n’est pas la même chose que la violence. La violence ne pense pas, ne parle pas, elle frappe. Elle est pure brutalité. Elle n’a pas de mots. La colère, au contraire, pense, s’indigne, conteste, refuse. La violence, c’est une colère qui échoue, qui n’arrive même pas à se dire. Et si la démocratie rejette la violence, elle n’évacue pas, et ne doit pas évacuer, la colère. Elle doit au contraire l’inclure, lui donner droit de cité. 

La démocratie est ce régime délicat et difficile qui fait du désordre un élément essentiel de l’ordre. Si nous rejetons la colère, elle reviendra, elle ressurgira, plus sauvage et plus amère. Il nous faut accepter de penser ensemble la colère et la démocratie. Il nous faut apprendre non pas tant à résoudre les conflits qu’à leur laisser le droit et le temps de se dire. Et il nous faut relire l’Iliade d’Homère.

Cet article vous a plu ?
partager le lien ...

RCF vit grâce à vos dons

RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation  de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !

Faire un don
Qui sommes-nous ?

RCF est créée en 1982, à l'initiative de l'archevêque de Lyon, Monseigneur Decourtray, et du Père Emmanuel Payen. Dès l'origine, RCF porte l'ambition de diffuser un message d'espérance et de proposer au plus grand nombre une lecture chrétienne de la société et de l'actualité.

Forte de 600.000 auditeurs chaque jour, RCF compte désormais 64 radios locales et 270 fréquences en France et en Belgique. Ces 64 radios associatives reconnues d'intérêt général vivent essentiellement des dons de leurs auditeurs.

Information, culture, spiritualité, vie quotidienne : RCF propose un programme grand public, généraliste, de proximité.Le réseau RCF compte 300 salariés et 3.000 bénévoles.

RCF
toujours dans
ma poche !
Téléchargez l'app RCF
Google PlayApp Store
logo RCFv2.14.0 (21796db) - ©2024 RCF Radio. Tous droits réservés. Images non libres de droits.