C’est une photo de Joshua Wong, ce militant de 23 ans qui avait lancé avec d’autres le « mouvement des parapluies » en 2014 – oui faites le calcul, il avait alors 17 ans – un mouvement où une centaine de milliers d’étudiants, de lycéens et de collégiens s’étaient mobilisés pour réclamer, sans succès, une « vraie démocratie ». Il était évidemment aussi dans la rue au printemps 2019 quand il s’agissait de lutter contre l’amendement qui permettait d’extrader des militants de Hong Kong vers la Chine.
Il est sur la droite. On le reconnaît, il ne semble pas avoir vieilli, il a encore un tee shirt et un bermuda d’ado, une coupe au bol très juvénile. Il a l’air presque absent, les yeux perdus dans le vague derrière ces lunettes noires. Il tient à la main un papier, ça pourrait être un sujet d’interro de maths. A gauche, par contre, c’est l’excitation. Un pool de photographes. Une dizaines d’hommes – pas une seule femme – avec de gros appareils photos, des objectifs de dix à vingt centimètres, alors qu’ils sont à moins d’un mètre de lui. Ils forment comme un cercle et lui semble leur tourner le dos. Comme s’il avait marre de tout ce bruit médiatique.
C’est son avocat qui a prévenu la presse. Joshua Wong a été arrêté hier. Retenu le temps de quelques heures dans un commissariat de police, le temps d’alerter les journalistes. Qui sont venus en nombre. Alors sur les autres images publiées hier, on le voit plutôt à la sortie de sa détention, brandissant le mandat que lui a remis la police. Sur les photos, il parle avec aplomb, le port de tête altier. Il est fier, sûr de lui. « Quoi qu'il se passe, dit-il, je continuerai à résister et à faire savoir au monde que c'est comme ça que les Hongkongais choisissent de ne pas se rendre ». Mais sur notre photo à nous, on est dans la seconde d’après, après l’image combattive. Et on fait un pas de côté, il n’est plus plein cadre, on voit les coulisses, on voit que celui qui prend la photo n’est pas seul : que la liberté a beau être en danger à Hong Kong, la presse y est encore très présente. Et elle exerce ses droits, elle fait le job. Mais y’a un petit détail amusant… C’est que Joshua Wong a comme nous tous un masque, un masque en papier bleu sur la bouche et sur le nez.
Et vous savez pourquoi il a été arrêté ? Parce qu’il avait mis un masque ! Parce qu’il avait participé à un rassemblement déclaré illégal à l’automne dernier, en portant un masque, alors que la colonie de Hong Kong avait décidé de les interdire. Comme son avocat l’a expliqué : « Joshua Wong est soupçonné d’avoir participé à un rassemblement illégal le 5 octobre de l’année dernière, quand des centaines de personnes avaient défilé pour s’opposer à l’interdiction du masque, que le gouvernement avait décidée en invoquant l’ordonnance sur les règles d’urgence de l’ère coloniale ». Voyez : tout est là. Le masque, l’interdiction, l’urgence, les ordonnances… Mais par rapport à aujourd’hui, dans le désordre. Les choses changent vite. Mais la justice est plus lente. Les interdits d’hier sont les obligations d’aujourd’hui. C’est peut-être ça qui donne un air un peu las à Joshua Wong sur la photo.
Chaque vendredi dans la Matinale RCF, David Groison commente une photo de presse.
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