Emmanuel Macron a annoncé dans une interview ce dimanche que le projet de loi sur la fin de vie, reporté plusieurs fois, serait présenté en conseil des ministres en avril, et discuté à l’Assemblée nationale en mai. Une prise de parole en partie saluée par l’association pour le droit à mourir dans la dignité d’Ille-et-Vilaine, mais qui suscite l’inquiétude de l’archevêque de Rennes, Monseigneur Pierre d’Ornellas.
Près d’un an après la dernière session de la convention citoyenne sur la fin de vie, qui s'est tenue le 2 avril 2023, et après plusieurs reports, Emmanuel Macron a annoncé, dimanche 10 mars dans un entretien accordé à Libération et à La Croix, qu’un projet de loi ouvrant une « aide à mourir » sous « conditions strictes » serait présenté en avril en conseil des ministres, en vue d’une première lecture à l’Assemblée nationale à partir du 27 mai, précisait ce lundi le Premier ministre Gabriel Attal.
Les patients concernés se verront prescrire un produit létal à s’administrer seul ou, « lorsque celle-ci n’est pas en mesure d’y procéder physiquement, à sa demande, soit par une personne volontaire qu’elle désigne lorsque aucune contrainte d’ordre technique n’y fait obstacle, soit par le médecin ou l’infirmier qui l’accompagne”, précise le chef de l’Etat.
“Cette interview est pleine d’ambiguïté, observe l’archevêque de Rennes, Monseigneur Pierre d’Ornellas, responsable du groupe de travail bioéthique de la Conférence des évêques de France. Par exemple quand il parle d’accompagnement, on ne sait plus très bien si les soignants vont faire de l’accompagnement avec les soins, ou en donnant la potion létale, ce qui est quand même très différent.”
L’exécutif s’est appuyé sur l’avis du Comité consultatif national d’éthique et sur les travaux de la Convention citoyenne, en créant plusieurs conditions. Les patients majeurs, « capables d’un discernement plein et entier », atteints d’une « maladie incurable » avec un « pronostic vital engagé à court ou moyen terme » et subissant des souffrances « réfractaires » (ne pouvant être soulagées) auront seuls accès à cette possibilité. Des limitations qui ne rassurent pas l’évêque de Rennes : “ Quand on a ouvert la porte de l’euthanasie ou du suicide assisté […], la porte s’agrandit. Pourquoi ? Il y aura toujours des situations qui seront à la limite, et pour lesquelles, sous prétexte d’égalité d’accès à ce geste létal, on va ouvrir la porte.”
Pour Cyril Journet, délégué départemental de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité en Ille-et-Vilaine, “ c’est une petite avancée. Pour les gens atteints d’une maladie incurable, qui n’ont plus aucun espoir de vie, c’est très bien. Mais c’est encore un collège de deux ou trois médecins qui va prendre la décision à la place du patient. Le court-terme on le connaît tous, mais qu’est-ce que le moyen terme ? Cela peut être remis en cause par le collège de médecins. C’est insuffisant."
Quand une adhérente du 35 dit “stop, le traitement ne fait plus effet, je veux une fin de vie digne", il faut écouter la personne, tout simplement.
Quinze organisations de soignants estimaient ce lundi matin qu'Emmanuel Macron a "annoncé un système bien éloigné des besoins des patients et des réalités quotidiennes des soignants". Elles regrettent dans un communiqué une "confusion sur le sens du soin", soulignant que les soignants "répètent avec constance que leur mission n'est pas de donner la mort".
🗞️[COMMUNIQUE DE PRESSE] Annonces d'@EmmanuelMacron sur la #findevie: la consternation et la colère des soignants ⬇️ pic.twitter.com/XQxHdHn3u7
— SFAP SoinsPalliatifs (@asso_SFAP) March 11, 2024
Alors que la moitié des patients qui auraient pu avoir droit aux soins palliatifs, en 2022, n’a pu y accéder, selon un rapport de la Cour des comptes, une stratégie décennale pour renforcer les soins palliatifs sera présentée fin mars, et certaines de ses dispositions seront incluses dans le même projet de loi, précise dans cet entretien Emmanuel Macron. Une unité de soins palliatifs verra le jour dans chacun des vingt et un départements qui en sont actuellement dépourvus.
“Il y a une urgence pour réparer l’injustice commise à l’égard des Français qui ont besoin de soins palliatifs, insiste Monseigneur D’Ornellas. Face à la souffrance des malades, “la mort n’est jamais une solution, soutient l’archevêque. La solution c’est la fraternité dans l’accompagnement, jusqu’à la sédation profonde et continue s’il le faut, cette sédation continue fait partie du soin. Mais je trouve scandaleux d’utiliser cette souffrance pour faire entrer dans la loi le suicide assisté et l’euthanasie. Ces demandes de non souffrance, ce ne sont pas des demandes de mort.”
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