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Le rapport Borloo sur les banlieues se révèle une feuille de soins

RCF,  - Modifié le 11 mai 2018
"Le constat alarmant dit l’étendue de la fracture." Le P. Bernard Devert revient sur le rapport de Jean-Louis Borloo sur les banlieues.
Père Bernard Devert, fondateur de Habitat et HumanismePère Bernard Devert, fondateur de Habitat et Humanisme

Le rapport de M. Jean-Louis Borloo sur les banlieues se révèle une feuille de soins ; elle remet de la République là où elle est absente, d’où des territoires devenus les lieux du ban. Le constat alarmant dit l’étendue de la fracture.
 
"Médecin de la ville" reconnu, le "docteur Borloo" rédige une prescription en 19 points. Le traitement est de choc. La gravité du mal est telle qu’il s’insurge. Refusant de pactiser avec la non-assistance à personne en danger, il s’interroge sur la passivité de la Société alors qu’une fraction du corps social est désarticulée. Si la République est une et indivisible, comment se fait-il qu’il y ait tant de territoires abandonnés avec des plaies grandes ouvertes faisant surgir un râle sans écoute.
 
Le diagnostic vital est engagé dans ces banlieues en rupture. Pourquoi cette patience ? Le corps souffrant tout entier devrait se révolter contre cette situation. Il n’en est rien. Ces territoires – et c’est précisément ce qui traduit l’étendue du mal – sont en lambeaux. Le mot est à entendre au sens médical du terme : une partie du corps s’est détachée.
 
Le diagnostic a pourtant été posé depuis longtemps, ne parle-t-on pas de cités de non-droit. M. Jean-Louis Borloo se penche sur ce drame, non point en le surplombant, mais avec la posture d’un praticien en osmose avec ses patients. Il écoute. Son ordonnance n’est-elle pas un signe de tendresse, prenant la main de ses malades, il les prend par la main. Une sécurité que seuls, ceux qui ont connu l’hôpital comprennent.
 
Une des 19 mesures retenues, singulièrement novatrice, est celle de la création d’une Académie des leaders
. Cette belle expression traduit le souffle qu’il a perçu dans ces banlieues, riches d’une énergie émanant d’acteurs qui, au sein de ces cités, refusent qu’elles se délitent et meurent. Leur combat est pris en compte. Reconnaître, c’est toujours fait naître. Alors la vie est là, elle s’éveille. Ces leaders s’opposeront à des dealers instrumentalisés par d’ignobles salopards profitant du désespoir et de la précarité pour se servir en développant une économie parallèle, injectant de l’évasion facile et factice, délétère et mortifère.
 
Il n’y a de vie que là où l’on se cogne au réel, suivant l’expression de Lacan. Dans trop de lieux du ban, l’irréel brutalise, alimenté par une addiction enchaînant de vains enchantements.
 
L’ordonnance, remise par M. Jean-Louis Borloo au Premier ministre, fait du bruit, d’aucuns rappelant que la politique de la ville s’est avérée insuffisante, voire un échec. Et alors ? Faut-il se résoudre à abandonner ? Folie. Dit-on à un malade que son traitement a été un gaspillage parce qu’il n’est pas guéri ! Le corps social ne peut accepter les soins palliatifs au risque que tout le corps soit envahi par la métastase du désespoir. Le traitement a été insuffisant. L’analyse n’était pas erronée mais elle n’a pas suffisamment pris en compte la cause et la dimension du mal. L’heure n’est surtout pas celle de la convalescence qui aggraverait le désarroi des rejetés de notre société. Des opérations chirurgicales seront nécessaires pour assurer les greffes visées par ces prescriptions qui ne peuvent pas se faire les unes après les autres, mais ensemble. Le traitement n’est pas sans risque ; le plus grand pour la République serait de se mettre à distance des soins, oubliant de prodiguer ceux qui ont pour nom : liberté, égalité et fraternité.
 
Il faudra du temps pour que les plaies se cicatrisent, que les lambeaux recollent au corps tout entier, mais ces soins et « prendre-soin » permettront à la Nation d’habiter pleinement sa responsabilité, guérir les maux qui la rongent ; un bel exercice de démocratie.

 

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