Après des années d’errance, de réformes manquées, de pédagogies hasardeuses et de méthodes dangereuses, on a enfin trouvé la solution : c’est à la science qu’il revient de sauver l’école. C’est la science qui désormais sera le meilleur des professeurs. Ce sont les sciences du cerveau, neurosciences et sciences cognitives, qui seront les plus sûrs des instituteurs.
Qui mieux que la science peut en effet nous dire quelle est la méthode la plus efficace pour apprendre à lire, à écrire et à compter ? Pour faire de son cerveau le plus solide des alliés ? Loin des discours, au plus près des réalités, la science garantira des têtes bien faites, des individus sociables et adaptés, des élèves heureux, et des parents rassurés. Loin de nous l’idée de refuser à la science cette vertu d’apaiser les consciences, de fournir des preuves, de garantir des résultats. On s’interroge toutefois sur la confiance qui lui est ainsi accordée, sur ce sésame qu’est devenu le cerveau, clef qui ouvre toutes les portes, qui clôt toutes les discussions, qui met fin à tous les mystères, et qui promet à la fois bonheur, bien-être et intelligence.
Les neurosciences, de nos jours, comprennent tout, expliquent tout, ont la solution à tout, de l’échec scolaire à la dépression, en passant par le stress et le chagrin d’amour. Le cerveau, plastique, évolutif, adapté et adaptable, a remplacé la notion de progrès au sein d’une nouvelle forme de scientisme.
Oui, de scientisme : cette croyance selon laquelle la science aurait le monopole de la raison, l’usage exclusif de la vérité. Mais qu’aurait été Socrate, si son enseignement n’avait visé qu’à m’apprendre à gérer et à traiter l’information, à combiner des algorithmes, et à réguler mes émotions ? Qu’auraient été Socrate et toute la philosophie s’ils ne s’étaient adressé qu’à mon cerveau ? S’ils avaient négligé cette étincelle en moi, cette part un rien réfractaire, un rien subversive, souvent imprévisible, régulièrement indocile, qui ne cherche pas tant à s’adapter qu’à s’interroger ?
Cette étincelle, appelons-la âme avec Socrate, appelons-la esprit avec Descartes, appelons-la même raison. Mais refusons de la réduire à la seule mécanique du cerveau. Et souhaitons que l’école de demain fabrique des hommes, bien plus que des neurones.
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