J’étais ce week-end au Salon du Livre de Besançon. Et de quoi avons-nous parlé ? Je vous le donne en mille : du bonheur. Le bonheur encore et partout, dans les salons, dans les entreprises, dans les librairies. Nous sommes entrés dans l’ère du bonheur… Dans l’ère du bonheur obligatoire.
Tout ce qui n’est pas heureux doit être chassé, banni de nos vies. Il faut po-si-ti-ver. Résilier, rebondir. Dans ce chant unanime du bonheur, il revient à la philosophie de faire entendre une autre voix, une autre vérité.
La philosophie nous rappelle que le bien-être n’est pas le bonheur. Que se sentir bien n’équivaut pas à être heureux. Elle nous met en garde contre l’injonction culpabilisatrice qui nous est faite de résilier en toutes circonstances. Elle nous met en garde aussi contre la tentation des consolations rapides. Et c’est en cela que la philosophie dérange. Car elle nous redit cette vérité terrible qu’il y a dans l’existence des chagrins qui ne passent pas, des tristesses qui ne se positivent pas. Qu’un de perdu, ce n’est pas dix de retrouver. Qu’on ne fait pas son deuil, mais qu’on vit avec. Que l’instant présent n’est pas le remède à tous les maux.
Il y a dans l’Evangile ce passage d’une terrible beauté où il est dit que Rachel pleure ses enfants et qu’elle ne veut pas être consolée. Ne pas être consolé à bon compte, par des bonheurs faciles et illusoires.
C’est un droit que la philosophie nous aide à revendiquer. Qu’on nous laisse souffler. Qu’on nous laisse pour quelques secondes seulement, promis, être tristes et inaptes à résilier.
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