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Les Belges rattrapés par une crise du logement sans précédent ?

Un article rédigé par Yves Thibaut de Maisières - 1RCF Belgique, le 14 mai 2024 - Modifié le 29 août 2024
16/17Les Belges rattrapés par une crise du logement sans précédent ?

Plusieurs acteurs du secteur immobilier alertent les politiques et les citoyens sur une crise du logement à venir ! Olivier Carrette, administrateur délégué de l'UPSI (union professionnelle du secteur immobilier) nous explique la problématique. S'il plaide pour une baisse de la TVA sur la rénovation, il voit aussi la nécessité de densifier le parc immobilier. Aujourd'hui, nombreux sont les ménages qui consacrent plus de 30% de leurs revenus à leur logement. Pourquoi le marché des propriétaires se tasse-t-il lentement mais sûrement ? Il est l'invité d'Yves Thibaut de Maisières. 

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Plusieurs acteurs du secteur de la construction, du secteur immobilier et des universitaires alertent les politiques et les citoyens sur une crise majeure du logement à venir. Si nous comptons aujourd'hui près de 75% de propriétaires en Belgique, 20% de locataires privés et 5% de locataires sociaux ; le marché des propriétaires se tasse lentement mais sûrement, tandis que les locataires privés font face à de plus en plus de problèmes d'accessibilité et de qualité. Les locataires sociaux font face, eux, à des listes d'attentes interminables. 

Olivier Carrette, vous avez produit cette carte blanche à un peu plus d'un mois des élections du 9 juin. Est-ce que c'est un thème qui revient aujourd'hui et bien dans les craintes ou dans les préoccupations, en tout cas des citoyens belges ou des préoccupations de leurs représentants politiques ? Qu'est ce que vous observez sur le terrain ? 

Nous devons constater que, malheureusement, les différents partis politiques mettent la problématique du logement beaucoup trop bas dans leurs priorités. Nous sommes dans une crise du logement et nous devons tirer la sonnette d'alarme. Quand on regarde, en ce qui concerne les listes d’attente pour les logements sociaux : en Flandre, il y a 176.000 personnes concernées ; en Wallonie 100.000 personnes, et à Bruxelles, 50.000. Je crois qu'il est tout à fait important que les différents partis politiques prennent conscience de cette problématique et qu'ils fassent quelque chose. 

Un parc immobilier vieillissant

Selon EMBUILD (la fédération de la construction) il faudrait 225.000 logements d'ici à 2030 pour répondre à la demande compte tenu des besoins. Le chiffre vous paraît-il cohérent ou la situation est-elle pire ?

Regardons quelques chiffres sur la situation de notre patrimoine immobilier en Belgique : en Wallonie, 78% des bâtiments ont plus de 42 ans ; à Bruxelles, 93% des bâtiments ont plus de 42 ans ; en Flandre, 66% des bâtiments ont plus de 42 ans. Il faut savoir qu'au regard des obligations européennes, d'ici à 2050, tous les bâtiments devront être neutres. Ça veut dire qu'il y a un travail gigantesque qui doit être effectué dans les années à venir. Et je crois que les politiques ne se rendent pas compte que dans la pratique, ce sera quasi impossible à réaliser.

Faut-il voir cette crise du logement dans une approche sectorielle (marché de la vente, de la location, du logement social) ou bien de façon holistique ?

Il ne faut pas viser un secteur particulier. Il faut travailler de pair sur tous ces éléments, sur tous ces secteurs, c'est la seule façon d'y arriver. Quand on voit un peu le challenge que nous avons, nous sommes conscients, en tant que secteur privé, aussi bien dans le domaine acquisitif que locatif.

A l'UPSI, nous ne demandons pas d'argent à l'État ou aux régions. Je crois que nous sommes un des seuls secteurs qui ne demandent pas d'argent. Tout ce que l'on demande, c'est l’obtention de permis de construire, de donner la possibilité d'augmenter l'offre de logements. Ce sera la seule façon de maintenir les prix à un niveau acceptable. Il faut augmenter l'offre urgemment en densifiant.

Martin Rosenfeld, chargé de mission à Inter Environnement Bruxelles précise “qu'il y a 600.000 logements à Bruxelles pour 560.000 ménages en demande. Il y en a donc assez. La solution n'est pas de construire du neuf au contraire, car ces nouveaux logements sont tout bonnement impayables”. Pourquoi l’accès au logement neuf est-il si compliqué ?

Il coûte évidemment plus cher si on le rend aux normes actuelles, aux normes de ce qui est demandé pour les exigences européennes d'ici à 2050. Ces bâtiments doivent absolument être rénovés. C'est urgent parce qu'on a constaté, lors de la crise du Covid, que les factures d'eau, de gaz, et d’électricité et autres correspondaient presque à un montant de remboursement de prêts hypothécaires, ce qui est tout à fait inacceptable. Ça veut dire qu'on pousse les gens dans des frais lourds et nous devons rénover notre patrimoine bâti d'urgence. 

Il faut savoir que dans le logement neuf, 40% du prix de vente d'un appartement ou d'une maison est lié directement ou indirectement à de la fiscalité immobilière !

 

La Belgique occupe la 17e place du classement des pays d’Europe avec le plus de propriétaires. Nous en comptons près de 75%. Pourtant, ce chiffre tend à diminuer lentement mais sûrement ? 

Il y a deux choses dont il faut tenir compte. Le point de départ, 75%, c'est un chiffre très positif. Parce qu'être propriétaire de son logement, maison ou de son appartement, c'est une sécurité. On constate une grande différence entre les villes et les communes et, disons, en dehors de ces villes et les communes. Prenons Bruxelles, 60% des Bruxellois sont locataires, 40% en sont propriétaires. Dans les grandes villes Liège, Namur, Anvers, Gand, c'est environ 50% de locataires, 50% de propriétaires. Mais ce que l'on se rend compte, de plus en plus de gens ont des difficultés à accéder à cette propriété. 

Une des raisons pour lesquelles ce pourcentage diminue, c'est que les jeunes sont de moins en moins enclins à vouloir s'engager pendant 20 ou 30 ans avec des prêts hypothécaires et veulent plus de flexibilité, plus de mobilité immobilière. L'accessibilité au logement acquisitif est très compliquée à cause du coût également, principalement à cause du neuf. Parce qu'il faut savoir aussi que le prix du neuf, 40% du prix de vente d'un appartement ou d'une maison est lié directement ou indirectement à de la fiscalité immobilière.

Densifier pour accroître l’offre de logements, n’est-ce pas inaudible à l’heure du “stop au béton” ?

Je crois pas que c'est indissociable. Il faut densifier nos villes et nos communes. Le stop au béton, nous y souscrivons ! Au lieu d'avoir dans nos villages un logement avec un rez-de-chaussée plus deux ou trois, il faudra oser faire un rez-de-chaussée plus cinq ou six. On devrait aussi habiter dans des appartements qui sont un peu plus petits. Il faut savoir que la moyenne de superficie d'un appartement en Belgique est entre 80 et 85 mètres carrés, alors que la moyenne européenne est plutôt autour de 50, 55 mètres carrés.

Nous sommes très vigilants aux mesures qui vont être prises, aussi bien au niveau fédéral qu'au niveau régional, par les politiques. Pour l'instant, ceux-ci cherchent comment taxer davantage l'immobilier. Je crois que c'est de la folie quand on constate que 45% du prix du montant est lié à la fiscalité, va droit dans les caisses de l'État. Je crois que ce serait une grave erreur de taxer encore plus le secteur de l'immobilier puisque c'est le consommateur final qui en partira. 

Quel pourcentage de TVA faut-il appliquer pour éviter cette situation ?

Avec l’UPSI (union professionnelle du secteur immobilier), nous avons introduit un recours auprès de la Cour constitutionnelle. Notre point de vue, c'est que la TVA doit être de 6% sur une construction neuve à l'appartement ou une maison.

Il est nécessaire de produire plus de logements sociaux. Mais avec une TVA à 21 %, les promoteurs immobiliers, les investisseurs, ne s'y retrouvent pas financièrement et donc ils ne produiront pas de logement, c'est une spirale infernale. Les prix vont encore augmenter aussi bien pour l'acquisition que pour la location. Donc, il faut donner les moyens au secteur privé afin de produire du logement. 

Le cas contraire, ce sont surtout les jeunes, les personnes plus âgées et les personnes seules qui vont en pâtir. Quand vous ne savez pas où vos enfants iront habiter, parce qu’ils n'ont pas les moyens de louer un appartement alors, ce n'est pas normal. Il faut réagir !

Le 16/17 ©1RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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