Camille a 14 ans. Elle aime le cirque et elle est douée, en virevoltant dans les airs elle affiche un sourire de jeune fille épanouie, bien dans ses pompes, bien dans sa vie. Entourée de ses parents et de ses frères et sœurs au spectacle de fin d’année, c’est l’image d’une famille unie et joyeuse qui apparait à l’écran lorsque le film débute.
Ce n’est pas la 1ère fois qu’un film aborde les dérives sectaires, le processus de manipulation sur des personnes fragiles, la spirale de l’embrigadement, l’isolement qui se créé petit à petit. Mais c’est sans doute la 1ère fois que cela est filmé à hauteur d’enfants.
Avec toute la complexité de ce genre de situations : c’est une famille qui s’aime, qui a envie de vivre dans les valeurs de solidarité et de partage qu’elle affectionne, difficilement reprochable de vouloir éduquer ses enfants dans cet environnement. Mais sur un terrain fragile on y voit assez vite les limites : un prêtre nommé « le berger » et la personnification d’une autorité toute puissante qui s’incarnerait au nom de Dieu, le partage poussé à l’extrême qui vire à la déresponsabilisation des parents : les repas sont pris ensemble, les sœurs du couvent s’occupent des enfants. C’est une communauté rassurante pour des parents dont les brèches ne font que s’accentuer à son contact. Elle vient combler un vide et remplir bien au-delà.
Camille, elle, est une adolescente comme les autres, aînée d’une famille nombreuse, en pleine construction de sa personnalité et c’est sans doute ce qui va la sauver : par nature on se construit à cette époque de notre vie « contre » l’autorité et ce qui la symbolise, on apprend à déterminer son propre avis et à se dessiner son libre arbitre. C’est ce libre arbitre qui va lui permettre d’identifier l’anormalité de la situation, de comprendre que ses parents ne sont plus assez lucides pour prendre les décisions qui concernent sa famille et pour accepter la responsabilité de refuser cette situation.
Ce film renvoie une nouvelle fois à la question de l’Autorité, de son abus, des dégâts que cela cause. Alors on passe par différents sentiments au fil de l’histoire. On est mal à l’aise et en colère de voir une nouvelle fois le visage d’une Eglise que l’on ne peut plus accepter, on est triste que ce soit ce visage d’Eglise qui soit projetée sur les écrans, on aurait envie de faire des films sur les milliers d’histoires où l’Eglise relève plus qu’elle n’abaisse, construit plus qu’elle ne détruit, rend heureux plus qu’elle ne rend fous.
On est lucide aussi sur le fait qu’il nous faut sans doute accepter que libérer la Parole amène une période longue et douloureuse où nous devons nous regarder en face, la scénariste a justement choisi d’inscrire son histoire personnelle en 2019 pour ne pas laisser la place à la justification que cela n’existerait plus.
C’est un film qui montre également l’importance des structures éducatives, policières, dans la détection des signaux faibles et au-dessus de tout cela : l’amour entre 2 adolescents. Certains pourraient le moquer c’est vrai parce qu’à 14 ans aime-t-on vraiment ? Mais c’est fou comme la puissance de sentiments adolescents donnent la force à la chenille de devenir papillon. Je repars au final sans colère, l’espoir au bout des lèvres que l’Amour peut tout.
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