Abstention record, percée des coalitions Ensemble! et Nupes, effondrement des Républicains : le 1er tour des législatives en dit long sur l'évolution de l'électorat dans la région. Décryptage avec Philippe Breton, politologue et directeur de l'Observatoire de la vie politique en Alsace.
RCF Alsace : Le principal enseignement de ce 1er, c’est la perte de vitesse du parti Les Républicains. Quelle est votre analyse là-dessus, et sur les résultats en Alsace ?
Philippe Breton : Le score des Républicains est effectivement tout à fait notable puisque c'est une débâcle, même si un certain nombre des candidats ne sont passés en troisième rang qu'à quelques voix. Mais les faits sont là, la réalité est là. Les candidats des Républicains se sont expulsés de la plupart du deuxième tour des circonscriptions. Moi, j'ai tendance à dire que les élections de 2017 auraient déjà dû mettre sur la touche un certain nombre de députés LR au moment de la grande vague macroniste et qu'au fond, c'est peut être un peu à contretemps. Curieusement, à contre temps d'ailleurs, puisque les Républicains remontent au niveau national , alors qu'en Alsace, ils baissent. Ces électeurs du centre droit ont décidé que les candidats présentés par LaREM étaient au fond mieux porteurs de leurs idées que les candidats Les Républicains, qui ont connu ces derniers temps évidemment beaucoup d'accidents électoraux. Donc pour moi, ce n'est pas un changement au plan de la sociologie électorale. Les électeurs du centre droit sont toujours là, mais simplement ils ont choisi d'autres candidats.
RCF Alsace: Et c'est aussi une marque dans la continuité du score historiquement bas des Républicains à l'élection présidentielle cette année...
P.B. : Évidemment, il était très difficile pour les candidats de remonter comme ça à la bataille électorale avec ce poids derrière d'un score extrêmement faible. Ils auraient pu le faire. Mais visiblement, les électeurs de centre droit ont estimé qu'ils ne portaient plus leur message et que c'était bien les candidats LaREM qui pouvaient incarner ce centrisme alsacien qui est historiquement implanté dans notre région.
RCF Alsace : Le parti En marche, qui est extrêmement présent en Alsace, avec des candidats qualifiés au deuxième tour dans treize circonscriptions sur quinze. À côté de ça, on a aussi la percée de cette alliance de gauche. Qu'est ce que ça dit aussi aujourd'hui sur l'électorat alsacien? Est ce qu'il se tourne vers aussi d'autres formes de vote, est ce que finalement ils ont adhéré à cette coalition de gauche?
P.B. : Alors c'est une coalition de gauche, d'extrême gauche, écologiste, et surtout une coalition relativement complexe qui a été construite pour la circonstance, et qui prend bien. On le voit dans les villes, notamment à Strasbourg évidemment, où ils font le gros de leurs voix en Alsace, les villes qui pendant longtemps avaient été tenues par la gauche. Alors, en terme de voix, ils ne reproduisent pas tout à fait les succès qu'avait connus la gauche, par exemple au moment de Catherine Trautmann, la gauche historique qui tenait la ville. La caractéristique de ce vote, à mon sens, c'est qu'il a réussi à mobiliser ceux que personne n'avait réussi à mobiliser jusqu'à présent, c'est à dire les électeurs des milieux populaires, les électeurs issus de l'immigration, les électeurs des cités qui d'habitude s'abstiennent beaucoup et qui là, à la présidentielle pour Jean-Luc Mélenchon et notamment dans les circonscriptions 1 et 2, le centre ville de Strasbourg, se sont visiblement mobilisés. Il faut noter que le taux de participation au centre de Strasbourg est le plus élevé d'Alsace, pratiquement 50 %. Il y a eu une mobilisation sans doute de la jeunesse aussi au profit des candidats d'extrême gauche.
RCF Alsace : Et l'autre information générale sur ce premier tour des législatives, c'est l'abstention, un record sur la Ve République : plus de 52 % de gens se sont abstenus. Que vont devoir faire les partis qualifiés pour le second tour pour mobiliser ceux qui ne sont pas allés voter ce dimanche?
P.B. : Ça va être difficile parce que l'abstention est un phénomène complexe. Moi, je suis persuadé que le scrutin uninominal à deux tours, qui est un scrutin que personne ne comprend d'ailleurs, qui est un scrutin où avec une majorité de voix, on peut avoir une minorité de sièges ou une minorité de voix, une majorité de sièges. Donc c'est un scrutin qui n'est pas juste et il n'est pas juste pour notamment certaines fractions de l'électorat. On sait qu'un certain nombre d'électeurs du Rassemblement national ne se déplacent pas. Ils avaient beaucoup voté pour Marine Le Pen aux présidentielles. Ils ne se déplacent pas aux législatives, tout simplement parce qu'ils savent que ça ne sert à rien et que la mécanique électorale fera qu'ils n'auront pas de députés.
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