J’aimerais, Stéphanie, revenir, ce matin, si vous voulez bien, sur une expression en apparence anodine, une expression archi courante, mais qui me semble à la fois impropre et dangereuse.
C’est le fait de parler des « gens », de dire « les gens », quand on veut parler des Français, des citoyens, des manifestants, des électeurs, du peuple, bref de nous. N’avez-vous pas remarqué l’emploi de cette expression, à l’antenne, à l’écran, dans les discours des politiques, dans ceux des « intellectuels », des dirigeants et des élus ?
Comme s’il y avait deux catégories bien distinctes : celle des « gens » et celle de ceux qui parlent des « gens », mais qui, visiblement, n’en font pas partie. Comme s’il revenait à d’autres, intellectuels ou dirigeants, de dire ce que « les gens » font sans en avoir vraiment conscience.
Ceux qui parlent des « gens » ne font manifestement pas partie des « gens ». Où sont-ils ? Au-dessus ? Ailleurs ? Il y aurait donc le monde « des gens » et le monde de ceux qui regardent « les gens » agir et qui commentent leurs actions.
L’expression d’ailleurs prolifère de nos jours, où « les gens » sont dans la rue, où « les gens » font preuve de mécontentement, où « les gens » veulent des choses, et où les autres essaient de savoir quoi.
Deux catégories politiques, en réalité : car il y a « les gens » et ceux qui en parlent. Deux mondes. Mais cette séparation est parfaitement artificielle et infondée, totalement désobligeante et désagréable.
Car nous sommes tous « les gens ». Nous appartenons tous à une même unité, qui connaît des temps difficiles, certes, mais qui existe : cette unité, c’est celle de la France, de la République, de ce qu’on nomme un peu platement « vivre-ensemble ».
Pourquoi alors les hommes politiques parlent-ils des « gens » comme s’ils n’en faisaient pas partie, comme s’ils n’étaient pas eux aussi, ces gens de la France, ces gens de la République française ?
Ce qui était dommageable lors du débat du Président Macron avec les intellectuels, en mars dernier, c’était l’image divisée, quasi censitaire, que cela donnait du pays, avec d’un côté « les gens » et, de l’autre, les intellectuels, comme si ensemble, tous ne formaient pas une même démocratie, un même pays ?
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