Après les mots doux, Simone Morgenthaler s’attaque aux mots cochons en alsacien dans son dernier livre Nos mots cochons - Unseri Drackwerter. Une façon de montrer que le dialecte local est riche et grivois, tout en contribuant à sa sauvegarde pour les générations futures.
Adrien Beaujean: Pourquoi avoir choisi cette thématique des mots cochons? Qu'est-ce que vous vouliez justement montrer avec les mots cochons en alsacien?
Simone Morgenthaler: C'était plutôt la richesse de la langue alsacienne que je voulais montrer, un peu poussé par ma fille qui est l'illustratrice du livre et qui m'a dit « il faudrait que ces mots restent par écrit, il y a un telle perte à chaque fois qu'une personne meurt, c'est comme si une bibliothèque brûlait ». Alors là c'est le tome 2, ce sont les mots cochons qui sont transgressifs, plein d'humour et de crudité, et j'ai fait le même travail de recherches pour trouver ces mots qu'on utilise pour parler de la rencontre, du plaisir, du désir, de la jouissance. J'ai beaucoup ri en faisant ce travail de recherches, je pensais tout le temps que ça s'arrêtait et il y avait toujours des mots qui s'ajoutaient. Ce sont souvent des mots composés que la langue française ne permet pas et qui sont tellement remplis d'humour que je me dis « mon Dieu, on n'ignore parfois combien l'alsacien qu'on imagine un peu froid peut être une personne tellement remplie d'humour ». Tout cela ne s'est transmis qu'oralement et aujourd'hui on commence à l'écrire et je suis ravie d'avoir pu contribuer à montrer que notre langue et notre culture sont tellement belles, tellement riches même quand elles sont égrillardes et paillardes comme c'est le cas ici.
A.B: Qu'est-ce que l'on retrouve peut-être comme rubriques ou comme mots? Qu'est-ce qu'on a comme exemples de mots un peu grivois, un peu alsaciens comme ça qui vous viennent?
S.M: Je ne peux pas dire les mots les plus violents parce que je les ai aussi placés là-dedans. Je dis « violents » parce qu'ils sont tellement chargés d'humour et de crudité. Mais je parle à la fois des relations entre la prostitution et aussi de tous les termes qui existent dans ce domaine là, des attributs masculins, des attributs féminins... J'ai évité les déviances parce que je trouve qu'en matière d'écriture je n'avais pas du tout envie de parler des déviances sexuelles. Certains me disent « mais tu y es allée cash » et je leurs réponds « mais il n'y a rien à cacher » si déjà on veut montrer la richesse de notre langue alors ne mettons pas de barrières et montrons vraiment comment est cette langue.
A.B: C'était ça aussi votre but, de remettre un petit peu au goût du jour ces traditions orales qu'on perd malheureusement au fil des décennies, des siècles?
S.M: Oui l'alsacien se perd de plus en plus. Il est évident qu'après la guerre, quand on a interdit cette langue, quand on a dit qu'il ne fallait plus la parler, ça a créé vraiment une faille dans l'esprit et que depuis on essaie de rattraper quelque chose mais quand il y a eu une telle pression, un tel écrasement d'une langue et un tel doute, on ne nous a jamais dit officiellement « mais soyez fièr(e)s d'être une région française d'une culture alémanique ». Ce bilinguisme en moi, moi je l'adore, je l'ai en moi, il me vient de mes ancêtres, c'est mon amour pour l'Alsace, les gens d'ici et pour cette langue que j'exprime toujours dans mes livres mais c'est toujours le même thème auquel je tiens et je n'ai pas dévié de ce chemin.
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