La France, toujours leader de la gronde sociale en Europe ? Dans un contexte inflationniste plus que tendu, plusieurs mouvements sociaux se développent sur le Vieux-Continent. Le Royaume-Uni, la Belgique, le Portugal et plus récemment l’Allemagne sont descendus dans la rue pour protester contre la baisse du pouvoir d’achat. Si la gronde sociale est difficilement comparable, elle n’en reste pas moins unique dans son modèle. Décryptage.
Le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Belgique, le Portugal mais aussi les Pays-Bas, la Grèce ou encore la Bulgarie. Tous ces pays européens ont fait au moins un appel à manifester ces derniers mois. En cause : l’inflation. Une hausse des prix que l’on observe en France mais qui est aussi visible à l’échelle européenne. Partout en Europe, les factures grimpent et les populations descendent dans la rue pour alerter sur cette baisse du pouvoir d’achat.
L’émergence de ces mouvements sociaux européens a quelque chose d’inédit. Si des pays comme la Belgique ou le Portugal sont des habitués des grandes grèves générales, le phénomène est plus rare en Allemagne, ou même au Royaume-Uni, empêtré dans des grèves depuis l’automne dernier.
Philippe Pochet, directeur général de l’Institut Syndical Européen, voit une disparité territoriale des mouvements, en fonction des zones géographiques européennes. “Il y a des pays dans lesquels le fait de faire grève est tout à fait naturel. Cela fait partie du répertoire classique de l'action syndicale”.
Rien de nouveau donc ? Pas vraiment pour Arnaud Mias, professeur de sociologie à l'université Paris-Dauphine, spécialiste du dialogue social européen. Il observe des nouveautés en termes de géographie européenne de la conflictualité. “Le Royaume-Uni entre dans une crise sociale très grave et durable. Ce qui se passe en Allemagne est aussi très original et très inédit". Ces dernières années, c’étaient plutôt les pays du sud qui descendaient dans la rue. Des pays comme la France et la Belgique abritent les travailleurs les plus souvent en grève avec respectivement 79 et 57 jours non travaillés sur la période 2020-2021. En revanche, à l’est, au sein de l’Europe plus orientale, le syndicalisme a plus de mal à s’organiser.
Et au nord ? “On a certaines représentations des pays d’Europe du Nord comme des pays de paix sociale et de compromis social-démocrate”, répond Arnaud Mias. Pourtant, la réalité des territoires scandinaves est effectivement différente de la représentation que l’on peut s’en faire. Sur la période 2020-2021, le Danemark enregistre 49 jours non-travaillés pour cause de grève, soit plus que l’Allemagne, les Pays-Bas et le Portugal réunis. La Norvège et la Finlande tournent également autour de ce nombre, à la même période.
Une tradition syndicale différente mais des catégories d’individus globalement similaires note Arnaud Mias. “Ça touche l'ensemble des catégories socioprofessionnelles”, éclaire le professeur de sociologie. “Toute la hiérarchie salariale est affectée par l’inflation. Les efforts des gouvernements pour accompagner l’inflation d’une hausse des salaires ont plutôt bien réussi sur les tranches les plus basses. Finalement, c’est dans les salaires les très bas salaires que l’effet de l’inflation est le moins ressenti, le mieux compensé. Ce n’est pas le cas des autres catégories socioprofessionnelles”, assure Arnaud Mias.
Autre constat : la conflictualité sociale présente ici et là en Europe s’exprime davantage dans le secteur public. “Transport, santé, éducation”, liste Arnaud Mias. “Mais c’est aussi parce que la gronde s’exprime dans ce secteur qu’elle se voit davantage”, conclut-il.
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