Ils expertisent des chasubles, missels, jeux de messe, chapelets ou autres objets liés à la dévotion, au culte ou à la religion. 50 membres de la CNES (Chambre Nationale des Experts Spécialisés en objets d'arts et de collection) étaient à Annecy cette semaine, pour leur congrès annuel. Ils nous partagent les enjeux du marché de l'art sacré.
"Un jour, j'achète un livre du XVIème siècle, avant de me rendre compte avec déception que des paragraphes ont été biffés et des pages arrachées. Et puis, sur la dernière page, je découvre une mention manuscrite : le Grand Inquisiteur d'Espagne qui attestait avoir censuré l'ouvrage !" raconte Jean-Marc Dechaud, expert en livres anciens et propriétaire d'une librairie en Touraine. Comme lui, quelle que soit leur spécialité, de nombreux experts ont affaire à la religion ou au culte, dans leur activité. Même sa consœur Murielle Auffret, spécialisée en jouets anciens : "Au XIXème siècle, on trouve énormément de jeux de messe. Tout le nécessaire pour que les enfants jouent à célébrer : comme des dinettes, sauf qu'il s'agit de calices, ciboires, etc. On en trouve même des miniatures pour les poupées ! J'en ai toute une collection que j'offre à mon fils, qui est prêtre." confie l'experte.
Des objets que l'on qualifie souvent de "sacrés", mais dont des paroisses, congrégations, familles, collectionneurs ou musées doivent parfois se séparer
"Pour moi, les vêtements religieux ont un supplément d'âme, ce ne sont pas des objets comme les autres. Peut-être parce que je suis de confession catholique... Mais je pense que, pour tous les confrères, ils ont un caractère particulier" analyse Véronique Dumont-Castagné, experte en étoffes, costumes et broderies de collection. Des objets que l'on qualifie souvent de "sacrés", mais dont des paroisses, congrégations, familles, collectionneurs ou musées doivent parfois se séparer. Quand d'autres ont besoin d'en acheter ! "Ce marché est tout à fait particulier" souligne Sophie Sesmat. Cette antiquaire et experte en arts et traditions populaire est aussi bénévole à la Commission d'Art Sacré du diocèse d'Annecy. "Lorsqu'on me confie un objet lié au culte, il y a toujours la peur qu'il serve ensuite à des messes noires. Mais j'arrive à les confier à de jeunes abbés ou à de vrais collectionneurs".
Certaines chasubles de créateurs contemporains ont des tarifs plus élevés que des pièces du XVIIIème siècle
"Registre de police pour traquer les objets volés, respect des lois sur l'ivoire ou les reliques humaines : les objets religieux sont concernés par les règles plus générales du marché. La chambre aide ses membres à se tenir informés de toutes les évolutions législatives" souligne Bertrand Malvaux, président de la CNES. "Et puis, il y a les périodes troubles comme la Révolution, avec la confiscation des bibliothèques de certains diocèses et institutions. Les livres sont inscrits dans un registre sont, encore aujourd'hui, revendiqués par l'Etat !" rappelle Jean-Marc Dechaud. L'art sacré qui continue de s'inscrire dans notre histoire contemporaine. "Rappelez-vous des aubes de Castelbajac pour les Journées Mondiales de la Jeunesse de 1997 ! Sur le marché, certaines chasubles de créateurs contemporains ont des tarifs plus élevés que des pièces du XVIIIème siècle" souligne Véronique Dumont-Castagné. "Aujourd'hui en Haute-Savoie, de nouvelles œuvres et du mobilier liturgique sont créés. Peut-être que nos successeurs auront à les expertiser !" conclut Sophie Sesmat.
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