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L’espace, cette nouvelle zone de conflits

Un article rédigé par Jean-Baptiste Labeur - RCF,  - Modifié le 24 novembre 2021

Une quarantaine de parlementaires français et étrangers de 15 pays ont co-signé mardi une tribune pour alerter sur la pollution causée par les débris spatiaux dans l’espace. Il pourrait à terme devenir « inaccessible pour l'humanité » Le problème des débris spatiaux est récurrent, mais il est revenu sur le devant de l'actualité après le test de destruction d'un de ses satellites par l’armée russe, le 15 novembre 2021. L’espace devient de plus en plus une nouvelle zone de tensions mondiales et de conflictualité. 

Avec les satellites CERES, la France se dote d’un système unique en Europe pour le renseignement d’origine électromagnétique Crédits : CERES-www.defense.gouv.frAvec les satellites CERES, la France se dote d’un système unique en Europe pour le renseignement d’origine électromagnétique Crédits : CERES-www.defense.gouv.fr

Une montée en puissance d'opérations militaires dans l'espace

Détruire un satellite en orbite avec un missile n’est pas nouveau, la Chine en 2007, les Etats Unis en 2008 ou encore l’Inde en 2019, l’ont déjà testé avec succès. Des démonstrations de forces qui avaient toutefois fait moins réagir, car le 15 novembre, la Russie a pulvérisé un vieux satellite à une altitude équivalente à celle de la station spatiale internationale, soit au environ de 400 kms. Ce qui a imposé aux astronautes de se préparer à évacuer l’ISS si nécessaire, en raison des débris générés par l’explosion.

On observe ces dernières années une montée en puissance d’opérations militaires dans l’espace, l’arsenalisation. Mais les armées ont toujours été présentes au-dessus de nos têtes. Dès les débuts de la conquête spatiale d’ailleurs, puisque la plupart des fusées américaines et soviétiques étaient dérivées de missiles balistiques à vocation nucléaires. En 1930, l’ingénieur allemand Eugen Sänger avait même imaginé un bombardier spatial baptisé Silbervogel, capable d’atteindre sa cible en rebondissant sur l’atmosphère.

 

La genèse de la situation

Durant la guerre froide, même si russes et américains avaient des projets offensifs et défensifs, comme la fameuse "guerre des étoiles" de Ronald Reggan dans les années 80, l’affrontement est-ouest n’a pas donné lieu à des combats spatiaux. Mieux les satellites ont joué "un rôle stabilisateur" explique Paul Wohrer, chargé de recherche et spécialiste des questions spatiales à la fondation pour la recherche stratégique. "En espionnant les arsenaux de l’adversaire, en détectant une éventuelle attaque surprise ou en vérifiant le désarmement" explique-t-il.

Avec la chute de l’URSS, puis la 1ère guerre du Golfe, l’évolution des satellites dans des fonctions dépassant le renseignement, a changé la donne souligne Paul Wohrer. "Les satellites sont devenus des éléments opérationnels de combat et donc peuvent être considérés comme des cibles plus légitimes" ajoute-t-il.
 

Le cas russe

A ce stade, les interrogations demeurent sur les véritables motivations de la Russie après son tir. Pourquoi a-t-elle pris un tel risque alors qu’elle avait elle-même deux cosmonautes à bord de la Station spatiale internationale (ISS) et que les débris provoqués par cette manœuvre pouvaient les exposer ? Pour Pascal Boniface directeur de l’IRIS, le Kremlin ne pouvait, pas dans ce domaine rester les bras croisés : "pour montrer qu’il faut compter avec la Russie y compris dans le domaine spatial".

Un geste qui n’a "pas vraiment de sens sur le plan stratégique" estime de son côté Pierre Omaly ingénieur au Centre National d'Etudes Spatiales (CNES), expert débris spatiaux. "L’explosion d’un satellite expose les équipements de tout le monde y compris ceux de l’auteur du tir" lance-t-il. Des milliers de débris ont été générés par l’explosion russe. Les plus gros sont identifiables et peuvent être cartographié pour permettre aux différents engins spatiaux de les éviter. Les plus petits qui se déplacent à 7km/s sont des projectiles potentiels. "Des débris qu’on ne peut pas récupérer" souligne Pierre Omaly. 

 

Envisager de vrais conflits au-dessus de nos têtes

Si un tir de missile expose à des débris en grand nombre. Il y a bien d’autres façons d’attaquer un satellite et de le mettre hors de combat de façon provisoire ou définitive. Le brouillage des communications en fait partie comme l’utilisation d’un laser pour aveugler les optiques de l’engin. Les cyberattaques sont aussi possibles de même que l’approche de proximité. Un satellite en rejoint un autre en orbite pour l’espionner ou le neutraliser. Ce qui était arrivé en 2017 à un satellite de renseignement franco italien. 

Le conflit dans l’espace est donc envisagé de plus en plus par les états-majors. Le format des armées évolue avec la création d’une "space force" aux Etats-Unis et en France d'un commandement de l'espace en 2019. En 2020 l'armée de l’air est devenue armée de l'air et de l’espace. Lors de son dernier sommet, à Bruxelles, en juin 2021, l’OTAN a acté que les attaques dans le domaine spatial pourraient conduire le pays visé à invoquer l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord. Il prévoit qu’une attaque contre un des membres de l’Alliance est considérée comme une attaque dirigée contre tous les alliés.

 

La doctrine défensive de la France

Pour la France, la doctrine de l’emploi de la force spatiale est alignée sur celle de la dissuasion nucléaire. C'est à dire défensive pour protéger ces systèmes en orbite. La France prévoit de lancer par exemple des nanosatellites guetteurs qui seront déployés autour des appareils sensibles. Par ailleurs, le 16 novembre, le lanceur Vega a mis en orbite trois satellites militaires aux capacités d'écoute exceptionnelle qui permettent de localiser et d'identifier tous les signaux radars sur le globe..

Enfin un débat juridique est aussi en cours au sein des Nations-Unies pour définir à terme de nouvelles règles relatives à l’arsenalisation de l’espace. Aujourd’hui, un flou règne. Seul le traité international de l’espace de 1967 interdit le déploiement d’armes de destruction massives en orbite. Un tabou que pour le moment aucun état n’a oser briser. 

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